Notion et qualification juridique de l’utilisation spéciale
L’utilisation spéciale est une notion centrale du droit public de la voirie, désignant toute utilisation des espaces publics de circulation qui va au-delà de l’usage commun. Contrairement à l’usage commun, accessible à tous et servant à la circulation ou à l’usage habituel, l’utilisation spéciale englobe toute occupation dépassant la norme ou visant un but autre que celui prévu. Elle nécessite toujours une autorisation expresse de l’autorité compétente et est strictement réglementée sur le plan juridique.
Fondements juridiques de l’utilisation spéciale
Réglementations nationales et régionales
Les dispositions légales applicables à l’utilisation spéciale ne se trouvent pas uniformément dans le droit fédéral, mais dans divers textes législatifs fédéraux et régionaux. Pour les voies publiques affectées à la circulation, l’article 8 de la loi fédérale sur les routes de grande communication (FStrG) s’applique aux autoroutes fédérales, tandis que de nombreuses autres voies sont régies par les lois routières des Länder, comme la loi bavaroise sur les rues et chemins (BayStrWG) ou la loi berlinoise sur les rues (BerlStrG).
En plus des dispositions de droit routier, d’autres législations peuvent s’appliquer de façon ponctuelle, telles que le droit de l’eau, le droit de la construction ou la réglementation en matière de protection contre les nuisances, si l’utilisation spéciale concernée touche également ces secteurs.
Délimitations conceptuelles : usage commun et usage du riverain
Le droit de la voirie distingue entre usage commun, usage du riverain et utilisation spéciale :
- Usage commun: Usage illicite ou non typique des voies publiques, accessible en principe à tous tant que la voie sert au transport public, c’est-à-dire à la circulation ou à l’expédition de marchandises.
- Usage du riverain: Usage de la voie par les propriétaires de terrains riverains pour l’accès, qui relève généralement encore de l’usage commun.
- Utilisation spéciale: Toute utilisation allant au-delà de l’usage commun, notamment lorsque la voirie est utilisée à d’autres fins (par exemple, stands de vente, événements, installations techniques), requiert une autorisation d’utilisation spéciale.
Types d’utilisation spéciale
Les formes d’expression de l’utilisation spéciale sont variées et englobent notamment :
- Installation ou exploitation de présentoirs de marchandises, stands de vente et distributeurs automatiques sur les trottoirs
- Restauration en terrasse (disposition de tables et chaises sur l’espace public)
- Installations de chantiers, zones de stockage, installation de containers sur la voie publique
- Dispositifs publicitaires, affiches, banderoles, enseignes lumineuses sur les routes et trottoirs
- Pose de câbles et installation d’équipements techniques par des sociétés de services publics, si elles ne relèvent pas de l’utilisation prévue par l’affectation
- Organisation de manifestations sur la voie publique (par exemple, fêtes de rue, marchés, défilés)
- Prises de vue cinématographiques et photographiques impliquant l’occupation de la voirie, dès lors qu’elles dépassent l’usage commun
Obligation d’autorisation et procédure administrative
Dépôt de la demande et délivrance de l’autorisation
L’occupation au titre d’une utilisation spéciale est généralement soumise à autorisation. Celle-ci s’obtient sur demande auprès de l’autorité de la voirie compétente ou de l’autorité de la circulation. La procédure de demande requiert une description précise de l’utilisation prévue, éventuellement y compris des plans de situation, la durée souhaitée et les responsabilités engagées. L’autorité examine notamment si l’utilisation envisagée risque de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre publics, à la circulation, à la protection de l’environnement ou à l’organisation urbaine.
Motifs, durée et contenu de l’autorisation
Les autorisations d’utilisation spéciale sont en principe délivrées par écrit et contiennent généralement des prescriptions accessoires fixant notamment la nature, le volume, la durée ainsi que les conditions particulières à respecter. L’autorisation est en règle générale révocable et peut être accordée pour une durée déterminée ou sous conditions. Les prescriptions accessoires typiques sont :
- Prescriptions de sécurité pour la protection des piétons et de la circulation
- Garantie de l’accès pour les services de secours
- Obligation de nettoyage et de remise en état du site
- Règles visant à limiter le bruit et les émissions
Refus et retrait de l’autorisation
Une autorisation d’utilisation spéciale peut être refusée si des intérêts publics prépondérants s’y opposent. Elle peut être retirée ou abrogée, en particulier en cas de non-respect des prescriptions ou de modification substantielle des circonstances de fait ou de droit.
Taxes et redevances pour l’utilisation spéciale
L’autorisation d’utilisation spéciale est en principe soumise au paiement d’une redevance. Le montant des redevances est fixé selon les règlements régionaux ou municipaux et dépend souvent de l’étendue, de la durée et de l’objet de l’utilisation. En outre, des redevances spécifiques peuvent être exigées, l’utilisation d’espaces publics à des fins privées constituant un avantage économique.
Conséquences juridiques de l’utilisation spéciale sans autorisation
La réalisation d’une utilisation spéciale sans autorisation valide constitue une infraction administrative (voir notamment l’article 24 du Code de la route – StVO, article 18 de la loi berlinoise sur les rues) et peut entraîner des amendes et l’édiction d’ordres de suppression. L’autorité de la voirie est habilitée à interdire l’utilisation non autorisée, à l’éliminer aux frais du responsable ou à ordonner la remise en état initial.
Distinction avec d’autres institutions juridiques
Utilisation spéciale et droits spéciaux
Les utilisations spéciales doivent être distinguées des soi-disant droits spéciaux, qui sont accordés notamment par le code de la route (par exemple, dérogations pour transports exceptionnels, services de secours). Ceux-ci ne concernent pas l’affectation légale de la voie, mais permettent des dérogations aux règles de circulation.
Utilisation spéciale et droit de superficie/emphytéose
Le droit de superficie ou les contrats de location ne nécessitent pas obligatoirement une autorisation d’utilisation spéciale si les surfaces ne sont pas attribuées à la voie publique. En revanche, dès lors que l’espace public est concerné, une autorisation d’utilisation spéciale d’ordre routier est en principe nécessaire en sus de la sécurité juridique civile (par exemple, contrat de location ou de bail).
Protection juridique et voies de recours
Les décisions des autorités voiries, en particulier le refus, la limitation dans le temps, le retrait ou la suppression d’une autorisation d’utilisation spéciale, peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative. Le recours en annulation et le recours en injonction peuvent être introduits devant les tribunaux administratifs compétents conformément à la loi sur la procédure administrative (VwGO).
Conclusion
L’utilisation spéciale constitue un instrument essentiel de régulation par les autorités publiques de l’occupation des espaces routiers publics au-delà de l’usage commun. L’importante réglementation légale vise à protéger l’intérêt général, la sécurité et l’ordre publics, ainsi que le développement urbain. Quiconque souhaite occuper l’espace public à des fins privées doit scrupuleusement respecter les conditions, limitations et procédures en vigueur afin d’éviter des conséquences juridiques et de garantir un ordre harmonieux dans l’espace public.
Questions fréquentes
Quand une autorisation d’utilisation spéciale est-elle nécessaire et quelles sont les conséquences juridiques de son absence ?
Une autorisation d’utilisation spéciale est requise dès lors que les voies publiques – notamment rues, chemins ou places – sont utilisées au-delà de l’usage commun, par exemple pour des chantiers, la restauration en terrasse, des stands de vente ou des dispositifs publicitaires. La base juridique de l’obligation d’autorisation se trouve généralement dans la loi régionale sur la voirie ou dans les règlements municipaux relatifs à l’utilisation spéciale. Une utilisation spéciale sans l’autorisation requise constitue une infraction administrative et permet à l’autorité compétente d’ordonner l’arrêt immédiat ou la libération du site. Une amende peut également être infligée et la commune dispose éventuellement d’un droit à réparation ou à suppression de l’installation illégale. Le cas échéant, l’exécution forcée de ces mesures par substitution peut être ordonnée, les frais étant à la charge du contrevenant.
Quelles sont les autorités compétentes pour délivrer une autorisation d’utilisation spéciale et quelle est la procédure administrative ?
La délivrance d’une autorisation d’utilisation spéciale relève en principe des services municipaux de la circulation routière ainsi que des services techniques ou des services d’ordre des communes, villes ou arrondissements. La demande d’utilisation spéciale doit être déposée par écrit et motivée ; des formulaires spécifiques sont souvent prévus pour cela, exigeant des informations sur la nature, l’étendue, la durée et le lieu de l’utilisation sollicitée. Au cours de la procédure administrative, l’autorité vérifie en particulier si des intérêts publics tels que la sécurité routière, la qualité urbaine ou les droits de tiers sont affectés. Elle associe fréquemment d’autres services spécialisés comme la police, les pompiers ou les sociétés locales de services publics. La décision sur la demande prend la forme d’un acte administratif pouvant comporter des prescriptions accessoires, notamment sur le timing, l’emplacement ou la sécurisation du site. Un droit à l’obtention de l’autorisation n’existe que si aucun motif impérieux de refus ne s’y oppose.
Quels sont les critères juridiques pour l’octroi ou le refus d’une utilisation spéciale ?
La législation confère aux autorités un large pouvoir d’appréciation pour décider de l’autorisation d’une utilisation spéciale. C’est une mise en balance globale des intérêts publics en matière de sécurité et de circulation et de l’intérêt individuel à l’utilisation concernée qui est décisive. Une attention particulière doit être portée à la liberté d’accès aux espaces de circulation, à l’accessibilité, à la lutte contre le bruit, aux obligations de protection de l’environnement ou à l’aspect urbain. En présence d’intérêts généraux impérieux contraires, l’autorisation peut être refusée. Un droit à la délivrance de l’autorisation n’existe en principe qu’en présence d’une administration liée, ce qui est toutefois rarement le cas en pratique.
Les utilisations spéciales sont-elles systématiquement limitées dans le temps ou dans leur contenu, et quelle est la portée des prescriptions annexes ?
Les autorisations d’utilisation spéciale sont généralement accordées à titre temporaire et sous certaines conditions. La limitation dans le temps vise à rendre l’espace public disponible à nouveau pour l’usage commun après la période d’occupation et à permettre une adaptation flexible à l’évolution de la situation. Les limitations de contenu et les prescriptions annexes – comme les obligations de sécurité, l’assurance responsabilité civile, la protection de la surface, la garantie du passage des véhicules de secours ou la conception des installations – sont édictées pour protéger les intérêts publics et privés. Le non-respect des prescriptions annexes peut entraîner le retrait de l’autorisation ou des mesures administratives.
Quelles taxes et quels frais sont liés à une autorisation d’utilisation spéciale ?
La délivrance d’une autorisation d’utilisation spéciale est soumise, selon les règlements municipaux de tarification et les dispositions locales, à des frais administratifs. Des frais d’utilisation spéciale peuvent également être facturés pour l’occupation réelle de l’espace public. Le montant dépend de la nature, de l’étendue, de la superficie, de la durée de l’utilisation et de la valeur économique de l’autorisation. Outre les frais administratifs, le demandeur supporte tous les coûts liés à l’exercice de l’utilisation spéciale, notamment pour d’éventuelles mesures de sécurité ou la remise en état à la situation antérieure.
Quels recours peuvent être exercés contre une décision de refus ou contre des prescriptions annexes dans l’arrêté d’autorisation ?
Face au refus d’une autorisation d’utilisation spéciale ou contre des prescriptions accessoires imposant des charges dans la décision d’autorisation, les demandeurs concernés peuvent saisir la juridiction administrative. En général, un recours doit être formé devant l’autorité ayant rendu la décision dans le mois suivant la notification ; en cas d’échec, un recours contentieux peut être introduit devant le tribunal administratif compétent. Pendant l’instance, les demandeurs peuvent également solliciter une mesure d’urgence, notamment en cas de risque de perte économique due à un retard. Les chances de succès dépendent principalement de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’administration et de la proportionnalité d’éventuelles prescriptions accessoires.
Quelles questions de responsabilité et quelles exigences en matière d’assurance peuvent se poser dans le cadre d’une utilisation spéciale ?
L’occupation des espaces publics dans le cadre d’une utilisation spéciale peut engager la responsabilité du titulaire de l’autorisation pour les dommages résultant de cette occupation, par exemple en cas de danger de chute, de renversement d’installations ou de salissures. C’est pourquoi de nombreuses autorisations d’utilisation spéciale prévoient, parmi les prescriptions accessoires, l’obligation de souscrire une assurance responsabilité civile avec un plafond minimal pour couvrir les dommages corporels et matériels. La responsabilité couvre en règle générale aussi bien la sécurisation adéquate que l’élimination immédiate de tout danger engendré par l’utilisation spéciale. En cas de dommage, la victime peut agir directement contre le titulaire de l’autorisation.