Définition et notion de la lutte contre le terrorisme
La lutte contre le terrorisme désigne l’ensemble des mesures, stratégies et réglementations juridiques nationales et internationales visant à prévenir, détecter, poursuivre et empêcher les activités terroristes. L’objectif central est la protection de la sécurité publique, de la vie et de l’intégrité physique des citoyennes et citoyens ainsi que le maintien de l’ordre constitutionnel. La lutte contre le terrorisme constitue un élément essentiel de la sécurité intérieure et extérieure des États de droit modernes et trouve ses fondements juridiques dans de nombreuses lois nationales, conventions internationales et réglementations supranationales.
Fondements juridiques de la lutte contre le terrorisme
Conventions internationales et cadre juridique
La lutte contre le terrorisme nécessite une coopération étroite entre les États et les organisations internationales. Parmi les sources juridiques internationales les plus importantes figurent :
- Conventions de l’ONU : Les Nations Unies ont adopté divers accords pour la prévention et la lutte contre le terrorisme international, tels que la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (1999) et la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif (1997).
- Résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU : Sont particulièrement pertinentes les résolutions contraignantes telles que 1267 (1999) et 1373 (2001), qui obligent les États à prendre des mesures étendues contre les réseaux terroristes et le financement du terrorisme.
- Cadre juridique européen : L’Union européenne a établi, par le biais de décisions-cadres (par exemple 2002/475/JAI sur la lutte contre le terrorisme) et de la liste européenne des organisations terroristes, des règles harmonisées pour les États membres.
Dispositions nationales en Allemagne
Le traitement juridique du terrorisme en République fédérale d’Allemagne relève principalement du droit pénal et du droit de la sécurité, notamment :
- Code pénal (StGB) : Contient des infractions centrales telles que la formation d’organisations terroristes (§ 129a StGB), le soutien à une organisation terroriste (§ 129a al. 5, § 129b StGB) et diverses infractions spécifiques telles que le meurtre, l’homicide ou l’enlèvement à des fins d’extorsion à caractère terroriste.
- Loi sur l’Office fédéral de police criminelle (BKAG) : Règle les missions et pouvoirs de l’Office fédéral de police criminelle dans la lutte contre le terrorisme, y compris des pouvoirs d’enquête spécifiques.
- Loi G-10 : La loi relative à la restriction du secret des lettres, des postes et des télécommunications (loi sur l’article 10) régit la surveillance des télécommunications à des fins de prévention des dangers et de poursuite pénale en cas d’activités terroristes.
Mécanismes supranationaux et coopération
La lutte contre le terrorisme s’effectue souvent au-delà des autorités et des frontières. Des institutions telles qu’Europol, Interpol et Frontex assurent des missions de coordination, tandis que l’échange de données et l’entraide judiciaire s’opèrent sur la base d’accords bilatéraux et multilatéraux.
Mesures préventives de lutte contre le terrorisme
Prévention des dangers et prévention policière
En pratique policière et de renseignement, la prévention des dangers est au centre des préoccupations. De nombreux outils ont été créés à cet effet :
- Conservation des données de connexion : Conservation des données de trafic de télécommunication pour une analyse ultérieure en cas de suspicion de terrorisme.
- Interdictions de séjour et de contact : Les autorités peuvent interdire à certaines personnes l’accès à certains lieux ou leur interdire le contact avec d’autres personnes, dès lors qu’il existe un dangereux risque d’actes terroristes.
- Surveillance électronique : Utilisation de moyens techniques comme la perquisition en ligne, la surveillance des télécommunications à la source et la vidéosurveillance.
- Entretiens avec personnes potentiellement dangereuses et garde à vue préventive : Les personnes identifiées comme impliquées dans des activités terroristes peuvent faire l’objet d’un entretien policier ou – sous conditions légales strictes – être retenues provisoirement.
Mesures dans le domaine de la sécurité intérieure
- Protection des infrastructures critiques : Dispositions spéciales de protection pour les réseaux d’énergie, les transports publics et les réseaux de communication.
- Loi sur la sécurité aérienne : Règle la sécurité dans le transport aérien, notamment les pouvoirs de recherche et de contrôle des passagers et des bagages.
Poursuite pénale du terrorisme
Autorités d’enquête et de poursuite pénale
La poursuite pénale des infractions terroristes incombe aux parquets et tribunaux compétents, en Allemagne notamment au procureur général près la Cour fédérale de justice. Les conditions juridiques et les procédures sont fixées dans le code de procédure pénale (StPO) ainsi que dans des réglementations spéciales.
Organisations terroristes et répression pénale
L’Allemagne reconnaît une notion élargie du terrorisme, ce qui rend punissable dès le soutien, la promotion ou le financement d’organisations terroristes (§§ 129a, 129b StGB). L’utilisation de certains symboles et de matériels de propagande peut également être sanctionnée.
Entraide judiciaire internationale et extradition
Afin de poursuivre pénalement les infractions terroristes, il existe de nombreux accords internationaux d’entraide judiciaire, notamment la Convention européenne d’extradition, le mandat d’arrêt européen ainsi que des accords bilatéraux avec des pays tiers. Les extraditions supposent que l’infraction reprochée soit également punissable dans l’État requis (double incrimination).
Pouvoirs des services de renseignement et surveillance
Protection de la Constitution et services de renseignement
Les services de renseignement fédéraux (Office fédéral de protection de la Constitution, Service fédéral de renseignement, Service de renseignement militaire) procèdent à l’observation et la surveillance de renseignement. Les bases légales se trouvent dans la loi fédérale sur la protection de la constitution (§§ 8 et suivants), la loi sur le BND ainsi que la loi sur le MAD.
Enquêtes secrètes et moyens de renseignement
- Filature et surveillance des télécommunications
- Surveillance des télécommunications à la source (notamment sur des services de messagerie chiffrés)
- Utilisation d’informateurs et d’enquêteurs infiltrés
- Collecte ouverte et secrète de données, y compris à l’étranger
Les règles posées par la Cour constitutionnelle fédérale concernant les atteintes aux droits fondamentaux (notamment le principe de proportionnalité) et les exigences en matière de transparence et de contrôle doivent être respectées.
Mécanismes de contrôle et limites juridiques
Contrôle judiciaire et supervision parlementaire
- Commissions parlementaires de contrôle : Surveillance du travail des services de renseignement par la commission parlementaire de contrôle du Bundestag.
- Réserve judiciaire : Certaines mesures (comme la surveillance des télécommunications) nécessitent une ordonnance judiciaire conformément aux dispositions de la Loi fondamentale et des lois spécialisées correspondantes.
- Protection juridique : Les personnes concernées peuvent faire examiner la légalité des mesures engagées devant les juridictions administratives et constitutionnelles.
Protection des droits fondamentaux et proportionnalité
Toutes les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être conformes aux droits fondamentaux, notamment au droit à l’autodétermination informationnelle, au secret des télécommunications et aux droits de l’homme. Les principes de nécessité, d’adéquation et de proportionnalité doivent être strictement respectés. La Cour européenne des droits de l’homme examine également si les atteintes à la vie privée et aux autres droits fondamentaux sont justifiées.
Sanctions et mesures contre le financement du terrorisme
Gel des avoirs et sanctions économiques
Sur la base des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’UE, les avoirs des personnes et organisations liées au terrorisme sont gelés. Les transferts de fonds sont soumises à des contrôles renforcés, les banques et autres établissements assujettis à des obligations particulières de vigilance en vertu de la loi anti-blanchiment.
Obligations de déclaration pour les établissements financiers
Tout soupçon de financement du terrorisme doit être signalé à la cellule de renseignement financier (FIU) fédérale ainsi qu’à d’autres autorités compétentes.
Formations, prévention et société civile
Programmes de prévention et lutte contre la radicalisation
Des programmes publics et associatifs s’adressent à la prévention de la radicalisation et à la déradicalisation, par exemple au moyen de programmes éducatifs, d’intégration, de sensibilisation sur internet ainsi que de dispositifs pour quitter la mouvance.
Perspectives et défis actuels
La lutte contre le terrorisme évolue entre la protection de la société et le respect des droits fondamentaux individuels. Le progrès technologique, la numérisation et la mobilité internationale posent de nouveaux défis aux cadres juridiques existants. Le développement continu d’instruments efficaces et respectueux de l’État de droit demeure donc essentiel pour la sécurité et la protection de l’État de droit.
Remarque : Ce document correspond à l’état de juin 2024 et offre une vue d’ensemble de la situation juridique concernant la lutte contre le terrorisme en Allemagne et en Europe. Il ne prétend pas à l’exhaustivité et peut être complété au cas par cas par des évolutions plus récentes.
Questions fréquemment posées
Quelle est la base juridique des mesures de lutte contre le terrorisme en Allemagne ?
Les principales bases juridiques des mesures de lutte contre le terrorisme en Allemagne se trouvent dans le Code pénal (StGB), notamment les §§ 129a et 129b qui sanctionnent la création et le soutien d’organisations terroristes. Sont également essentiels la loi sur l’Office fédéral de police criminelle (BKAG), qui régit les pouvoirs préventifs et répressifs de l’Office, ainsi que la loi sur la coopération de la Fédération et des Länder en matière de protection de la Constitution (BVerfSchG). D’autres bases d’intervention sont offertes par la loi sur la police fédérale et celles des Länder ainsi que par la loi sur la vérification de sécurité (SÜG). Sur le plan international, les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que les actes juridiques de l’UE, tels que la directive anti-terrorisme de l’UE, jouent un rôle important. Ce cadre juridique est complété par des dispositions spécifiques, par exemple dans le PassG (loi sur les passeports), la LuftSiG (loi sur la sécurité aérienne) et la loi sur le séjour, qui réglementent des mesures de prévention et de contrôle supplémentaires. Enfin, la Loi fondamentale (GG) – notamment les droits fondamentaux et le principe de proportionnalité des interventions de l’État – s’applique à toutes les mesures de lutte contre le terrorisme.
Quels sont les pouvoirs des autorités de sécurité pour la surveillance des personnes soupçonnées de terrorisme ?
Les autorités de sécurité disposent, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de vastes pouvoirs de surveillance, cependant toujours sous réserve d’une décision judiciaire ou légale ainsi que dans le respect des droits fondamentaux. Parmi les principales mesures figurent la surveillance des télécommunications (§ 100a StPO), la surveillance acoustique des domiciles (§ 100c StPO), l’écoute et la lecture des communications électroniques, l’utilisation d’informateurs et d’agents infiltrés (§ 110a StPO). Depuis la révision de la BKAG, le BKA est aussi autorisé à effectuer des perquisitions informatiques (« online-durchsuchung ») (§ 20k BKAG) et à accéder discrètement à des systèmes informatiques. S’y ajoutent des possibilités de recourir à la surveillance des télécommunications à la source (Quellen-TKÜ) et à la collecte préventive de données même sans soupçon concret, notamment selon les §§ 20g et suivants BKAG. Ces mesures sont soumises à des conditions strictes, à des preuves sérieuses, à une menace particulière et, en général, à un contrôle judiciaire préalable, afin d’éviter tout excès d’ingérence étatique et de protéger les droits fondamentaux des personnes concernées.
Comment la coopération entre autorités allemandes et étrangères est-elle juridiquement réglementée ?
Les bases juridiques de la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme découlent de divers traités internationaux, accords bilatéraux, directives et règlements européens ainsi que d’actes nationaux d’application spécifiques en droit allemand. Dans le contexte européen, la convention-cadre relative à la coopération policière, le traité de Prüm et la convention d’application de Schengen sont particulièrement pertinents. L’échange d’informations s’effectue via des plateformes telles qu’Europol, Interpol et diverses bases de données (par exemple, le Système d’information Schengen, SIS II). La loi sur la mise en œuvre des règlements de l’UE permet aux autorités allemandes de transmettre des informations, telles que l’identité, le lieu de séjour ou des indices, à des autorités étrangères, sous réserve du respect constant des normes de protection des données ainsi que du principe d’entraide administrative réciproque selon les §§ 13 BKAG et 27 BPolG. Le principe de la « spécialité » (finalité du traitement des données) joue également un rôle central. L’Office fédéral de police criminelle est généralement l’organisme central de coordination.
Quels mécanismes de contrôle et quels recours existent contre les mesures de lutte contre le terrorisme ?
Les personnes concernées disposent de divers recours contre les mesures de lutte contre le terrorisme. Tous les actes d’ingérence, tels que les mesures de surveillance ou la rétention, peuvent tout d’abord être contestés par voie de recours selon les §§ 304 et suivants StPO ou par une action devant les tribunaux administratifs (pour les mesures préventives de police). Le contrôle parlementaire et public est assuré par la commission parlementaire de contrôle en application de l’article 45d GG, qui peut notamment avoir accès aux mesures des services de renseignement. Le délégué fédéral à la protection des données veille également au respect des dispositions légales, surtout dans le cadre du traitement automatisé des données personnelles. Les atteintes graves aux droits fondamentaux, comme la surveillance des télécommunications ou des domiciles, nécessitent en outre une autorisation judiciaire préalable (§ 100e StPO). Il est également possible de saisir la voie de la réclamation immédiate contre les décisions judiciaires. Enfin, un recours constitutionnel devant la Cour constitutionnelle fédérale est possible si des droits fondamentaux ont été violés.
Dans quelle mesure les mesures de lutte contre le terrorisme sont-elles compatibles avec les droits fondamentaux ?
Les mesures étatiques de lutte contre le terrorisme doivent être compatibles avec les droits fondamentaux de la Loi fondamentale, notamment la dignité humaine (art. 1 GG), le droit à la vie et à l’intégrité physique (art. 2, al. 2 GG), le secret des télécommunications (art. 10 GG), le droit à l’autodétermination informationnelle ainsi que le droit à la liberté individuelle (art. 2, al. 2 GG) et l’inviolabilité du domicile (art. 13 GG). Toute ingérence requiert une base légale et est soumise au principe de proportionnalité : la mesure doit servir un objectif légitime, être appropriée, nécessaire et proportionnée. Des exigences particulières s’appliquent aux atteintes graves, comme la surveillance des domiciles ; ici, une ordonnance judiciaire est obligatoire, et un noyau de vie privée est protégé. La Cour constitutionnelle fédérale a rappelé à plusieurs reprises que la protection de la population contre le terrorisme est certes légitime, mais qu’elle ne doit pas conduire à une érosion des droits fondamentaux. Les dispositions correspondantes de la BKAG, la StPO et d’autres lois ont ainsi été régulièrement examinées au regard de leur conformité à la Loi fondamentale et parfois déclarées inconstitutionnelles ou limitées.
Quelles particularités s’appliquent à la poursuite pénale en lien avec des infractions terroristes ?
La poursuite pénale des infractions terroristes présente plusieurs particularités. Tout d’abord, dans les cas particulièrement graves, la compétence relève de la Cour d’appel supérieure (OLG) conformément à l’article 120, alinéa 2 GVG, ce qui garantit un traitement prioritaire et spécialisé. Le Parquet fédéral (Procureur général auprès de la Cour fédérale de justice) mène les enquêtes et les poursuites, dans la mesure où les faits peuvent mettre en danger la « sécurité intérieure ou extérieure de la République fédérale ». Quatre délais prolongés de détention provisoire s’appliquent lors de l’enquête et les conditions d’utilisation de mesures spéciales d’investigation (comme la surveillance des télécommunications, le recours à des agents infiltrés) sont facilitée. L’application de la loi sur la protection des témoins est également de plus en plus fréquente afin de protéger les témoins menacés. Les peines prévues sont nettement augmentées ; des peines d’emprisonnement à perpétuité peuvent parfois être encourues. Souvent, les actes préparatoires sont déjà punissables (§ 89a StGB). Enfin, la coopération internationale, par exemple au moyen de l’entraide judiciaire et de l’extradition, est particulièrement étroite.
Comment la protection des données et la confidentialité sont-elles garanties dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
Les exigences en matière de protection des données jouent un rôle central dans la lutte contre le terrorisme, afin de garantir un équilibre entre les impératifs de sécurité et la protection des données personnelles. Toutes les mesures de collecte, de stockage, de traitement et de transmission de données sont soumises aux dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD), de la loi fédérale sur la protection des données (BDSG) ainsi qu’à des réglementations spécifiques du BKAG, du BVerfSchG et d’autres lois de sécurité. Le traitement des données est strictement limité à la finalité définie et les données doivent en principe être supprimées dès que leur but n’existe plus. Des organes de contrôle spécifiques, tels que le ou la Commissaire fédéral(e) à la protection des données et à la liberté d’information, vérifient le respect de ces obligations. Par ailleurs, les personnes concernées doivent en principe être informées, sauf si cela met en péril l’objectif de la mesure. Dans le domaine du renseignement, des règles supplémentaires protègent les sources et les informations à caractère confidentiel (§ 96 StPO, § 5 BVerfSchG), tout en veillant au respect du principe de l’État de droit et de la possibilité d’un contrôle juridictionnel.