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Indenture

Notion et définition de l’Indenture

Le terme Indenture désigne dans les systèmes juridiques anglo-américains un accord écrit ou un contrat spécialement formalisé, utilisé principalement lors de transactions juridiques et financières complexes. Ce terme trouve son origine dans l’Angleterre médiévale, où il était notamment employé pour des contrats impliquant plusieurs parties. L’une des caractéristiques essentielles d’une Indenture est sa forme particulière, souvent rédigée en plusieurs exemplaires avec un bord dentelé ou brisé, permettant de vérifier l’authenticité des documents correspondants lors de leur présentation ultérieure.

De nos jours, ce terme est principalement utilisé en lien avec les émissions d’obligations (en anglais, bond indenture) et avec les contrats de fiducie (en anglais, trust indenture). Une Indenture peut également servir de contrat régulateur pour des relations contractuelles de longue durée ou des instruments de financement externe complexes.


Évolution historique de l’Indenture

Origine et application traditionnelle

Les racines du terme remontent au Moyen-Âge anglais, période durant laquelle les Indentures étaient rédigées sous forme d’actes à bords brisés ou dentelés. Chaque partie recevait un exemplaire du document ; en cas de litige, les parties pouvaient joindre les documents grâce à la forme caractéristique de leurs bords pour en vérifier l’authenticité. Ces instruments juridiques furent utilisés du XIVe au XIXe siècle pour des relations de travail obligatoires (tel que Indentured Servitude), des concessions foncières, des baux ruraux et d’autres engagements contractuels de longue durée.


Réglementation juridique et contenu d’une Indenture

Forme et nature juridique

Une Indenture est un accord écrit, souvent complexe, qui est authentifié par la signature et le sceau des parties prenantes. Les Indentures engagent généralement plusieurs parties à exécuter ou à s’abstenir de prestations récurrentes ou à long terme. On les rencontre tout particulièrement lors d’émissions obligataires, d’accords de garanties (garanties pour prêteurs) et dans des opérations de financement à long terme.

Structure

Une Indenture typique comprend les éléments suivants :

  • Définitions : Définitions claires des termes utilisés.
  • Droits et obligations : Détermination détaillée des droits, revendications, obligations et responsabilités des parties.
  • Clauses de sécurité : Accords sur les garanties, covenants (clauses d’engagement) et droits de résiliation.
  • Durée et résiliation : Indication de la durée d’engagement et des modalités de résiliation ordinaire ou extraordinaire.
  • Convention d’arbitrage ou de juridiction compétente : Dispositions relatives au règlement des litiges.

Indenture dans le cadre des obligations (Bond Indenture)

Dans le domaine du financement des entreprises, l’Indenture sert principalement de Bond Indenture . Il s’agit alors d’un contrat passé entre l’émetteur d’une obligation et un représentant des créanciers (souvent un Trustee). Le Bond Indenture fixe de manière exhaustive les conditions de l’obligation, notamment :

  • Montant, échéance des intérêts et remboursement
  • Procédures de paiement et gestion de l’obligation
  • Garanties spécifiques et covenants (par exemple, limitations sur l’endettement ou sur la distribution de dividendes)
  • Procédure en cas de manquement aux obligations contractuelles (Events of Default)
  • Représentation et droits des créanciers en cas d’insolvabilité ou de restructuration

En droit américain, en application du Trust Indenture Act of 1939 , la désignation obligatoire d’un Trustee (fiduciaire) est requise pour les émissions obligataires publiques.


Indenture dans le cadre des garanties et fiducies

Une autre forme d’application importante est l’utilisation comme Trust Indenture. Dans ce cas, l’Indenture agit en qualité de contrat de fiducie qui définit de manière détaillée les droits et obligations du constituant, du bénéficiaire et du trustee. Ces contrats sécurisent en particulier des opérations de financement de grande ampleur impliquant de nombreux créanciers à protéger.


Distinction avec d’autres formes contractuelles

Contrairement aux contrats simples (en anglais, simple contract), l’Indenture présente une structure beaucoup plus complexe ; elle répartit les droits et obligations non seulement de manière bilatérale mais souvent de façon multilatérale avec des mécanismes de fiducie contraignants. Tandis que les contrats classiques concernent principalement les parties immédiates, l’Indenture vise plutôt à assurer la protection collective et la gestion des intérêts tels que ceux d’un groupe d’obligataires.


Résiliation et exécution

La résiliation d’une Indenture intervient en principe à l’issue de la durée convenue, par accord mutuel entre les parties ou pour motif grave. En cas de violation des obligations, les Indentures prévoient régulièrement des clauses détaillées sur la procédure applicable lors de Default Events (manquements contractuels) ainsi que sur l’exécution judiciaire, généralement sous l’intervention d’un trustee ou d’une instance équivalente représentant les intérêts collectifs des créanciers.


Importance et fonction en droit économique moderne

Les Indentures occupent une place centrale dans les relations économiques internationales en raison de leur grande flexibilité, précision et sécurité juridique. Elles permettent des financements structurés sur le long terme, instaurent des relations juridiques claires entre les parties et assurent une protection efficace des intérêts des créanciers. Elles sont devenues, en particulier dans le droit des marchés de capitaux et les financements transnationaux, des éléments incontournables des montages contractuels complexes.


Bibliographie et sources complémentaires

  • Black’s Law Dictionary
  • Trust Indenture Act of 1939 (USA)
  • Legal Aspects of Corporate Finance (Littérature spécialisée sur le financement des entreprises)
  • International Financial Law Review (IFLR)

En résumé, l’Indenture constitue un type de contrat significatif du Common Law, utilisé notamment pour les obligations, les contrats de fiducie et les grands financements, et offre un cadre juridique sûr pour la réalisation de relations contractuelles étendues et durables.

Questions fréquemment posées

Quelles sont les conséquences juridiques en cas de violation des engagements prévus dans une Indenture ?

Une violation des obligations prévues dans l’Indenture (dénommées « covenants ») constitue en règle générale une inexécution contractuelle. D’un point de vue juridique, cela peut permettre aux créanciers de faire valoir des droits spécifiques, généralement explicitement prévus dans l’Indenture. Parmi ces droits figurent notamment les clauses d’accélération (« Acceleration Clauses »), qui permettent aux créanciers d’exiger le remboursement immédiat de toutes les créances encore dues. Le plus souvent, l’exercice de ces droits est subordonné à la survenance et à la constatation d’une certaine violation (« Event of Default ») selon des critères objectifs définis dans l’Indenture. Dans certains systèmes juridiques, comme le droit anglo-américain, des demandes de dommages et intérêts peuvent également être formulées si l’émetteur n’exécute pas ses obligations. Par ailleurs, les fiduciaires désignés pour représenter collectivement les créanciers sont souvent légalement ou contractuellement tenus de prendre des mesures spécifiques en cas de violation (par exemple, engager des procédures d’exécution ou intenter une action en justice).

Comment les modifications ou ajustements d’une Indenture existante deviennent-ils légalement effectifs ?

Les modifications d’une Indenture (« amendments » ou « modifications ») sont soumises à des exigences formelles et matérielles strictes spécifiées dans le contrat d’Indenture. En règle générale, les modifications nécessitent l’approbation d’une majorité qualifiée de créanciers concernés (souvent 50 %, 66 2/3 % voire 75 %), la majorité précise étant fixée dans l’Indenture. Certains éléments essentiels du contrat, notamment ceux touchant à la valeur nominale, au taux d’intérêt, à la date d’échéance ou aux modalités de paiement, ne peuvent souvent être modifiés qu’avec l’accord de la totalité des créanciers. Pour garantir la validité juridique d’une modification, le vote doit être formellement convoqué, documenté, puis les modifications doivent être authentifiées par acte notarié ou par un dépôt approprié (par exemple en dépositaire central de titres ou auprès d’un tribunal). Dans de nombreux systèmes juridiques, des obligations de publication s’appliquent, exigeant que les modifications substantielles soient rendues publiques voire approuvées par l’autorité de régulation, notamment pour protéger les investisseurs.

Quel est le rôle et quels sont les droits du fiduciaire (« Trustee ») selon l’Indenture dans une perspective juridique ?

Le fiduciaire (« Trustee ») agit, dans le cadre d’une Indenture, en tant que représentant légal de l’ensemble des créanciers. Juridiquement, le trustee est un représentant collectif des intérêts et assume des obligations fiduciaires souvent précisées par la loi ou le contrat. Typiquement, le trustee est habilité et tenu, sur instruction d’une majorité qualifiée des créanciers, d’exercer les voies de recours—telles que la revendication d’intérêts ou de remboursements. Il est également tenu de défendre et de coordonner les intérêts des créanciers en cas de défaut de l’émetteur ; ceci inclut notamment la coordination des actions en justice, la gestion d’éventuelles garanties et la communication avec les autres parties au procès. Juridiquement, le trustee engage sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations et doit agir avec la diligence d’un administrateur prudent et avisé, l’obligeant à un haut degré de diligence.

Dans quelle mesure une Indenture est-elle soumise au contrôle judiciaire et quels recours sont à la disposition des parties en cas de litige ?

Une Indenture, en tant que contrat de droit des obligations, est pleinement soumise au contrôle judiciaire. En cas de litige, tant l’émetteur que les créanciers peuvent intenter devant les juridictions civiles compétentes—désignées dans l’Indenture ou à défaut par la compétence de droit commun—des actions en cessation, en exécution, en déclaration ou en dommages et intérêts. Dans de nombreux pays, les parties peuvent également convenir d’une clause compromissoire (« Arbitration Clause »), ce qui doit toutefois être explicitement stipulé et conformément aux exigences légales. Les tribunaux ont également le pouvoir d’examiner la validité de certaines clauses contractuelles, notamment sous l’angle du droit des conditions générales ou de la réglementation prudentielle. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, des mesures conservatoires peuvent être prononcées pour protéger les droits des créanciers ou préserver les actifs.

Quelle est l’importance juridique des covenants (« engagements annexes ») dans le cadre d’une Indenture ?

Les covenants, c’est-à-dire les obligations annexes imposées à l’émetteur au bénéfice des créanciers, revêtent une grande importance juridique et visent principalement à garantir la protection des intérêts des créanciers. Ils peuvent être positifs (« positive covenants ») ou négatifs (« negative covenants »), par exemple : interdiction d’emprunter davantage, maintien d’indicateurs financiers spécifiques ou obligation de fournir des rapports réguliers. Le respect de ces engagements est souvent contrôlé par des droits d’audit ainsi que par des obligations d’information. Tout manquement aux covenants peut, selon les dispositions contractuelles, constituer un « Event of Default », entraînant les conséquences juridiques évoquées ci-dessus. D’un point de vue juridique, les covenants constituent un dispositif de sûreté essentiel pour les créanciers et peuvent, en outre, être soumis à des prescriptions de droit prudentiel, telles que le droit européen des prospectus ou le droit américain des valeurs mobilières.

Quel est le rôle des Indentures en cas de procédure d’insolvabilité de l’émetteur du point de vue juridique ?

En cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre de l’émetteur, les créances stipulées dans l’Indenture deviennent des créances à déclarer au passif de la procédure. Leur qualification juridique est déterminée selon les régimes généraux du droit des procédures collectives ; les créanciers doivent faire valoir leurs droits auprès du tableau des créances. Des particularités peuvent intervenir si certaines sûretés sont prévues dans l’Indenture ou si des clauses de subordination existent (« Subordination Clauses »), lesquelles continuent à produire effet même dans la procédure d’insolvabilité. Le trustee est alors chargé de sauvegarder les intérêts des créanciers tout au long de la procédure, et d’assurer la régularité de la déclaration et de la revendication des créances. Dans certains cas, l’Indenture prévoit aussi des clauses spécifiques, telles que la constitution d’un comité de créanciers ou des procédures de vote particulières concernant les plans d’insolvabilité.

Quelles sont les conséquences du droit applicable (« Governing Law ») sur l’interprétation et l’exécution d’une Indenture ?

Le choix du droit applicable revêt une importance juridique centrale pour l’interprétation et l’exécution d’une Indenture. Il détermine, entre autres, les formalités requises pour la conclusion, la modification et l’exécution du contrat, les modalités d’interprétation des droits et obligations des parties, et la procédure à suivre en cas de litige. Le droit applicable peut être stipulé au contrat et doit être conforme, en contexte international, aux règles du droit international privé (DIP). Si, par exemple, le droit anglais est choisi, les règles propres à ce système prévaudront pour l’interprétation du contrat et l’exercice des droits des créanciers, y compris des règles spécifiques concernant le « Trust » ou la poursuite collective des droits. Le droit applicable influe aussi sur la validité des sûretés et la responsabilité du trustee. Pour les situations transfrontalières, il est également nécessaire de prendre en considération les règles obligatoires de l’État d’exécution.