Implications relatives à la protection des données lors de la publication de photos d’intérieurs dans le cadre de dossiers immobiliers
Les litiges judiciaires concernant la protection des données lors de la commercialisation de biens immobiliers résidentiels ont gagné en importance ces dernières années. Plus particulièrement, le jugement du tribunal de grande instance de Frankenthal (réf. : 3 O 30/23, publié le 02.08.2024) met au premier plan l’attention à accorder à la publication des représentations visuelles de l’intérieur des biens immobiliers. Cette décision instaure de nouvelles références pour tous les acteurs du processus de transaction – des vendeurs particuliers aux intermédiaires professionnels, en passant par les plateformes de marketing.
Équilibre entre les intérêts de commercialisation et les droits à la protection des données
La publication de photos d’intérieurs dans le contexte du RGPD
Les photos de l’intérieur d’un appartement ou d’une maison permettent généralement de déduire des informations sur les conditions de vie personnelles des personnes y résidant. Dès lors que de telles images sont publiées dans des dossiers en ligne ou sur des portails immobiliers, des données à caractère personnel au sens du Règlement général sur la protection des données (RGPD) sont potentiellement concernées, dans la mesure où l’identification ou un lien avec les occupants est possible. Cela peut déjà résulter d’objets personnels, de meubles, d’œuvres d’art ou d’éléments individuels de décoration. Le tribunal de grande instance de Frankenthal a précisé à cet égard qu’aucune publication de telles images ne peut avoir lieu sans le consentement exprès des personnes concernées.
Cadre juridique : consentement, mise en balance des intérêts et obligations d’information
L’obtention effective d’un consentement conformément à l’Art. 6, al. 1 phrase 1 lit. a RGPD revêt une importance particulière dans ce contexte. À défaut, une publication peut être fondée sur une mise en balance des intérêts (Art. 6, al. 1 lit. f RGPD), à condition que des intérêts légitimes prépondérants de la partie publiant les photos puissent être démontrés – ce qui représente en règle générale un obstacle significatif s’agissant de photos sensibles d’intérieurs. Les prestataires doivent en outre assurer le respect des obligations de transparence et d’information prévues à l’Art. 13 RGPD vis-à-vis des personnes concernées ; cela concerne notamment la présentation des finalités du traitement des données, des bases juridiques ainsi que de la durée de conservation.
Risques de responsabilité en matière civile et de protection des données
Demandes d’interdiction, de suppression et d’indemnisation
La publication non autorisée de photos d’intérieurs peut entraîner d’importantes conséquences civiles. Notamment, les occupants concernés peuvent faire valoir des demandes d’interdiction et de suppression. Dans le contexte du RGPD, un droit à réparation du préjudice moral (Art. 82 RGPD) existe également, allant au-delà de la seule compensation matérielle. Il est donc fortement conseillé aux prestataires immobiliers d’examiner systématiquement la légalité de telles publications en ligne au préalable et d’obtenir, autant que possible, des déclarations de consentement appropriées.
Conséquences sur la relation contractuelle et responsabilité du courtier
Dans l’hypothèse où des sociétés de courtage publient des photos d’intérieurs sans base juridique solide, cela peut également entraîner des conséquences en termes de responsabilité contractuelle à l’égard du mandant ou de tiers. Une publication contraire aux règles de protection des données peut constituer un manquement contractuel, susceptible d’engendrer des demandes de dommages et intérêts. Ces aspects doivent être pris en compte lors de la rédaction du contrat et tout au long du processus de médiation.
Sensibilisation pratique et risques liés à l’utilisation des plateformes
Portée pour les vendeurs, intermédiaires et plateformes tierces
Les vendeurs de biens immobiliers se retrouvent souvent tiraillés entre une stratégie de commercialisation aussi attractive que possible et les exigences légales en matière de protection des données. Pour les tiers également, en particulier les portails immobiliers ou gestionnaires de dossiers, il existe un risque de coresponsabilité selon l’Art. 26 s. RGPD. Le recours à des prestataires externes ou leur utilisation ne dispense pas les parties impliquées de leur propre devoir de vérification concernant la conformité des contenus des dossiers avec les exigences de protection des données.
Importance pour la transparence et la construction de la confiance
Le respect strict des dispositions relatives à la protection des données n’est pas seulement une question de conformité mais également une question de réputation entrepreneuriale et de confiance sur le marché. Les infractions peuvent entraîner d’importants dommages réputationnels ainsi que des mesures réglementaires, y compris des amendes prononcées par les autorités de contrôle. La transparence quant à l’utilisation des photos et aux bases juridiques sous-jacentes reste donc une exigence centrale dans la commercialisation immobilière.
Pertinence pratique et perspectives
La décision récente du tribunal de grande instance de Frankenthal met en lumière : avec le recours accru à des outils de commercialisation numériques et la plus grande visibilité d’informations sensibles sur le cadre de vie, les exigences visant à une gestion juridiquement conforme des représentations visuelles des intérieurs deviennent plus étendues. La protection de la vie privée demeure la priorité absolue, les impératifs du marché passant au second plan.
D’autres décisions judiciaires relatives au rapport entre protection des données et commercialisation de biens immobiliers sont à prévoir, la matière restant sujette à de nombreuses questions spécifiques et les intérêts pratiques étant variés.
Référence : Ce compte-rendu se base notamment sur la décision du tribunal de grande instance de Frankenthal, réf. 3 O 30/23, publiée sur urteile.news [consulté le 2 août 2024]. Les présentations offrent uniquement un premier aperçu des thématiques juridiques et ne prétendent pas à l’exhaustivité.
Compte tenu de la complexité et du caractère évolutif des questions relatives à la protection des données dans le cadre de la cession de biens immobiliers, les avocats de MTR Legal se tiennent à disposition à l’échelle nationale et internationale pour accompagner avec compétence les questions juridiques émergentes ou les incertitudes dans le cadre d’un dialogue structuré.