Traitement dégradant
Notion et définition
Le « traitement dégradant » est une notion ancrée dans le droit national et international, utilisée en lien avec la protection de la dignité humaine et des droits de l’homme. Le traitement dégradant décrit des comportements ou mesures qui portent atteinte, rabaissent ou avilissent durablement une personne dans sa dignité, sans qu’il soit nécessaire d’y recourir à la violence physique. Il est généralement reconnu lorsqu’une personne subit une atteinte grave à son intégrité mentale ou morale.
Cadre juridique
Droit international
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)
Selon l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Le terme de traitement dégradant est synonyme de « traitement avilissant » et est défini plus précisément et distingué dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) :
- On parle de traitement dégradant, lorsque l’acte commis expose la victime à la honte, à l’humiliation ou à la déshumanisation, sans préserver un minimum de respect envers la personne en tant qu’individu.
- Distinction avec le traitement inhumain : Alors que le traitement inhumain provoque de graves souffrances physiques ou psychiques, le traitement dégradant suffit à une atteinte substantielle à la dignité humaine, potentiellement sans douleurs sévères.
Nations Unies
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) considèrent également la protection contre les traitements dégradants comme une composante essentielle de la dignité humaine.
Droit allemand
En droit allemand, la Loi fondamentale (Grundgesetz – GG) constitue la base légale :
- Article 1, alinéa 1 GG garantit l’inviolabilité de la dignité humaine.
- Article 104, alinéa 1, phrase 2 GG garantit la protection contre les traitements et peines dégradants en cas de privation de liberté.
En outre, des dispositions pertinentes figurent dans le droit pénal et la procédure pénale, le droit de la police et le droit administratif général.
Distinction avec les notions apparentées
Torture et traitement inhumain
Le traitement dégradant se distingue de la torture par son intensité et son objectif. La torture se caractérise par l’infliction de douleurs physiques ou psychiques particulièrement graves, souvent dans le but d’extorquer des aveux. Le traitement inhumain suppose de graves souffrances physiques ou morales. Le traitement dégradant, en revanche, comprend aussi des actes qui ne causent qu’un simple sentiment d’humiliation.
Traitement avilissant
En pratique, les termes « avilissant » et « dégradant » sont souvent utilisés comme synonymes. La jurisprudence, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, utilise en anglais le terme « degrading treatment » (traitement avilissant) et retient des critères similaires.
Jurisprudence
De nombreuses décisions fondamentales, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme, précisent le champ d’application et les critères permettant de caractériser un traitement dégradant :
- Ce qui importe, c’est toujours l’effet objectif de la mesure ainsi que la perception subjective de la victime en tenant compte de l’âge, du sexe, de l’état de santé et d’autres circonstances individuelles.
- Relèvent par exemple du traitement dégradant : l’exposition publique de la nudité, l’usage de violences discriminatoires, des conditions de détention inappropriées, la méconnaissance du sentiment de honte, des abus par les autorités ou des mesures coercitives humiliantes.
Exemples tirés de la jurisprudence :
- Conditions de détention : La surpopulation, le manque d’hygiène ou l’absence d’accès aux installations sanitaires ont souvent été considérés comme dégradants.
- Mesures policières : Fouilles corporelles disproportionnées, menottage ou exposition publique de la vulnérabilité.
Limites et interventions licites
Toute mesure non souhaitée ou désagréable ne constitue pas un traitement dégradant. Le seuil n’est franchi que lorsque l’acte dépasse un certain niveau d’humiliation ou d’avilissement intentionnel.
Interventions étatiques admissibles peuvent exister lorsqu’elles reposent sur une base légale, poursuivent un but légitime et restent proportionnées, sans porter atteinte au noyau de la dignité humaine. La simple efficacité ou commodité ne justifient pas de mesures dégradantes.
Importance en droit pénal et pénitentiaire
Dans le domaine de l’exécution des peines et lors des interventions policières, la protection contre le traitement dégradant revêt une importance centrale. Les détenus, les personnes interpellées ainsi que les personnes en situation de handicap bénéficient d’une protection particulière. Le non-respect de ces protections peut mener à des demandes d’indemnisation pour détention injustifiée ou à l’irrecevabilité de l’utilisation de certains éléments de preuve.
Prévention et application
La protection contre le traitement dégradant est surveillée par des mécanismes nationaux et internationaux (par exemple : Comité européen pour la prévention de la torture, commissaires aux droits de l’homme, institutions nationales des droits de l’homme). Les victimes ont droit à un contrôle judiciaire et, le cas échéant, à une indemnisation.
Résumé
La notion de traitement dégradant recouvre toutes les mesures qui portent gravement atteinte à la dignité humaine d’une personne, sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait violence physique ou psychique grave. Elle est fermement ancrée tant en droit national qu’international et constitue une position juridique inaliénable, dont la violation entraîne des conséquences juridiques tant pour les autorités publiques que pour les particuliers. L’évaluation concrète a toujours lieu en tenant compte des circonstances propres à chaque cas et du ressenti individuel.
Questions fréquentes
Quand considère-t-on qu’il y a traitement dégradant au sens juridique ?
Selon le droit allemand et européen, il y a traitement dégradant lorsque la personne concernée est exposée, de manière délibérée ou de fait, à une atteinte, une humiliation ou une violation de sa dignité humaine propre à lui causer des sentiments de peur, d’infériorité ou d’impuissance. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), en particulier dans l’interprétation de l’art. 3 CEDH et de la Loi fondamentale (art. 1 GG, protection de la dignité humaine), est déterminante. Le traitement doit présenter une certaine intensité et gravité ; une simple impolitesse ou un manque de respect social n’est généralement pas suffisant. Il est toujours nécessaire d’apprécier l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, en intégrant notamment des facteurs biologiques, psychiques, sociaux et culturels. Sont particulièrement pertinentes les relations de pouvoir entre les parties (par exemple, police et personne concernée) ainsi que la nature concrète et la durée de l’acte.
Quels mécanismes de protection juridique existent contre le traitement dégradant ?
En droit allemand, la Loi fondamentale (art. 1 et art. 2 GG), le Code pénal (par exemple, §§ 223 et suivants StGB – atteintes à l’intégrité corporelle, § 240 StGB – contrainte) et la Loi générale sur l’égalité de traitement (AGG) offrent notamment une protection contre les traitements dégradants. Au niveau international, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), à travers l’article 3, prohibe les traitements dégradants, inhumains ou avilissants. À cela s’ajoutent d’autres conventions internationales, telles que la Convention des Nations Unies contre la torture ou la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui prévoient également une protection et créent des obligations correspondantes pour les tribunaux et autorités. De même, la Charte des droits fondamentaux de l’UE (art. 4) renforce les droits individuels en cas de traitement dégradant.
Comment faire valoir légalement un traitement dégradant ?
Dans chaque cas, des recours différents sont envisageables selon le contexte. Les personnes concernées peuvent faire valoir des droits civils, comme une indemnisation pour l’atteinte au droit général de la personnalité (§§ 823, 253 BGB), intenter une action en justice pour discrimination sur le fondement de la loi AGG ou déposer une plainte auprès des autorités sociales et administratives. En droit pénal, une plainte peut être déposée auprès de la police s’il existe une infraction pénale comme la contrainte, les blessures ou la maltraitance de personnes vulnérables. Il est également possible de faire une réclamation auprès des organes de tutelle professionnelle, par exemple dans la police, ou auprès des autorités de protection des données en cas de traitement humiliant de données à caractère personnel. En cas de violation de la CEDH, il existe, après épuisement des voies de recours internes, la possibilité d’un recours individuel auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Quelles sont les sanctions possibles en cas de traitement dégradant établi par une juridiction ?
En cas de constatation judiciaire d’un traitement dégradant, diverses sanctions peuvent être prononcées. En droit pénal, cela peut conduire à une peine d’emprisonnement ou une amende, éventuellement assorties de conséquences professionnelles (par exemple la révocation d’un fonctionnaire). En droit civil, une indemnisation pour préjudice moral peut être accordée et/ou une action en cessation peut être intentée. En droit public, il peut exister des droits à réparation ou à la responsabilité de l’État (art. 34 GG, § 839 BGB). Au niveau international, les États peuvent être tenus de verser une indemnité après condamnation par la CEDH. La nature exacte des sanctions dépend essentiellement de la gravité de la violation et des conséquences pour la personne concernée.
Dans quels domaines de la vie l’évaluation juridique du traitement dégradant joue-t-elle un rôle ?
Le traitement dégradant est juridiquement pertinent en particulier dans les rapports de puissance étatiques, par exemple en garde à vue, en détention, dans l’armée ou les établissements psychiatriques (traitements ou contraintes forcés). Mais aussi dans les relations professionnelles (harcèlement, discrimination), à l’école (humiliation par un enseignant), dans le secteur médical (examens ou traitements dégradants) ou dans le droit social (par exemple via des mesures coercitives pour les bénéficiaires d’allocations), l’infraction peut être constituée. L’évaluation dépend des circonstances individuelles et de la responsabilité publique ou privée concernée.
En quoi le traitement dégradant se distingue-t-il juridiquement de la torture ou du traitement inhumain ?
Dans le contexte juridique, le « traitement dégradant » désigne une forme grave d’humiliation, qui se situe en dessous du seuil de la torture ou du traitement inhumain. Alors que la torture implique l’infliction de souffrances physiques ou psychiques particulièrement graves visant à contraindre la victime à certains actes ou déclarations, et que le traitement inhumain suppose une atteinte particulièrement grave sans exiger un but déterminé, le traitement dégradant se caractérise par des actes de moindre intensité, mais cependant aptes à porter gravement atteinte à la dignité humaine. La distinction repose sur l’intensité, la durée et l’objectif de la mesure, conformément à la jurisprudence constante de la CEDH. Les trois formes sont interdites, mais l’exigence de preuve et les sanctions diffèrent selon le cas.