Lexique juridique

Réserve de fonction

Réserve de fonction

Le terme Réserve de fonction désigne une barrière juridique centrale dans le domaine du droit de la fonction publique en Allemagne. La réserve de fonction stipule que certaines tâches de l’administration publique ne peuvent être exercées que par des personnes investies d’un statut de droit public – notamment des fonctionnaires. Cette règle vise principalement à protéger les missions essentielles de l’État et à garantir la neutralité, la fiabilité et la conformité de l’action de l’État à la loi.


Bases conceptuelles et ancrage légal

Définition

La réserve de fonction désigne le principe selon lequel certaines activités régaliennes, en particulier l’exercice de la gestion coercitive et de la gestion des prestations, ne peuvent être confiées qu’à des titulaires de charge publique ayant une relation particulière de droit public avec l’État.

Normativité juridique

La réserve de fonction est régie par diverses dispositions juridiques ; l’article 33, alinéa 4 de la Loi fondamentale (Grundgesetz, GG) de la République fédérale d’Allemagne est particulièrement pertinent :

« L’exercice permanent de fonctions impliquant l’exercice de l’autorité publique est en règle générale réservé à des agents au service public, ayant un rapport de service et de loyauté de droit public (fonctionnaires). »

Cette norme constitutionnelle précise la réserve de fonction et souligne que les missions de l’État à caractère régalien sont en principe réservées aux personnes entretenant une relation spécifique de service et de loyauté de droit public avec l’État.


But et finalité de la réserve de fonction

La réserve de fonction répond à plusieurs objectifs :

  • Préservation du monopole étatique de la force : Les pouvoirs régaliens, comme l’édiction d’actes administratifs, la formulation d’interdictions ou l’exécution de mesures, sont des expressions fondamentales du pouvoir étatique.
  • Garantie du respect de la légalité : La réserve garantit que les titulaires de ces missions agissent de manière particulièrement loyale et conforme à l’État de droit.
  • Protection de la neutralité et de l’intégrité de l’État : Le recours à des fonctionnaires vise à assurer que les activités administratives ne soient pas influencées par des intérêts privés.

Champ d’application et démarcation

Missions régaliennes

La réserve de fonction ne concerne que les tâches qui sont considérées comme régaliennes et peuvent être classées comme telles. Cela inclut :

  • Exercice de mesures de contrainte (par exemple, la force policière)
  • Exécution du droit administratif par voie de contrainte administrative
  • Émission d’actes administratifs défavorables
  • Atteinte aux droits fondamentaux de tiers dans l’intérêt public

En revanche, les tâches relevant de la gestion économique privée, telles que l’exploitation d’établissements publics lorsqu’aucun pouvoir régalien n’est exercé, ne sont pas soumises à la réserve de fonction.

Fonctionnaires, salariés et tiers

Les tâches régaliennes concernées ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires ou des personnes disposant d’un statut comparable de droit public. Les salariés relevant du droit public ou les tiers privés ne peuvent accomplir de telles tâches que si la loi le prévoit expressément et tant que cela ne concerne pas des attributions centrales.


Évolution historique

La réserve de fonction est étroitement liée au développement de la fonction publique de carrière en Allemagne. Dès le XIXe siècle, le principe selon lequel les missions régaliennes essentielles ne doivent être exercées que par des personnes directement engagées envers l’État a été formulé. Avec l’entrée en vigueur de la Loi fondamentale, ce principe a été inscrit pour la première fois dans la Constitution à l’article 33, alinéa 4 GG puis développé.


Jurisprudence et interprétation

Décisions de la Cour constitutionnelle fédérale

La Cour constitutionnelle fédérale a précisé la réserve de fonction dans plusieurs décisions fondamentales. Elle a souligné que le respect de la loi et la relation particulière de loyauté entre l’État et le fonctionnaire constituent des conditions objectives pour la délégation de missions régaliennes. Il a également été clairement établi que les contrats relevant du droit privé ne suffisent en principe pas à transférer durablement les activités centrales de l’administration publique.

Limites et exceptions

Le législateur peut, dans certains cas, prévoir que certaines missions régaliennes non essentielles puissent être déléguées à des tiers privés (par exemple, des personnes investies dans le domaine du contrôle technique comme TÜV ou DEKRA). Toutefois, la privatisation est exclue pour les missions centrales – comme la police, l’administration fiscale ou la justice.


Réserve de fonction et privatisation

Transférabilité des missions régaliennes

En raison des exigences de l’article 33, alinéa 4 GG et de la réserve de fonction, la privatisation de missions régaliennes n’est admissible que dans des limites strictes. Le législateur doit toujours déterminer quelles tâches doivent impérativement demeurer réservées au secteur régalien.

Conséquences d’un transfert illicite

Le transfert illicite de missions régaliennes à des personnes privées peut entraîner l’illégalité des mesures prises et des actes administratifs émis. Le contrôle est généralement effectué par les juridictions administratives.


Comparaison internationale de la réserve de fonction

Dans d’autres pays, il existe des concepts similaires visant à réserver les missions régaliennes à des titulaires de fonctions publiques. Toutefois, leur mise en œuvre peut fortement différer – notamment en ce qui concerne la distinction entre administration publique et prestation de services privés.


Littérature et références complémentaires

  • Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne, art. 33, al. 4
  • Loi fédérale sur la fonction publique (BBG)
  • Batke, Der Funktionsvorbehalt des Art. 33 Abs. 4 GG, NVwZ 1999, p. 957 et suiv.
  • Pieroth/Schlink : Grundrechte – Staatsrecht II

Résumé

La réserve de fonction constitue une barrière constitutionnelle essentielle au transfert des missions régaliennes et veille à ce que celles-ci ne soient exercées que par des personnes avec lesquelles l’État entretient une relation particulière de service et de loyauté de droit public. Cela protège l’intégrité, la neutralité et la conformité de l’administration publique à la loi. En pratique, la réserve de fonction revêt une importance centrale quant aux limites de la privatisation et à la protection de l’intérêt public dans l’action administrative.

Questions fréquemment posées

À qui incombe la charge de la preuve de l’efficience d’une réserve de fonction dans la relation de travail ?

La charge de la preuve concernant l’efficacité d’une réserve de fonction incombe en principe à l’employeur. Cela signifie que l’employeur doit démontrer qu’une réserve de fonction efficace et clairement formulée fait partie du contrat de travail et a été communiquée de manière transparente au salarié lors de la conclusion du contrat. La réserve de fonction doit être suffisamment précise pour permettre au salarié d’anticiper, lors de la signature, les changements susceptibles de lui être imposés. Les clauses ambiguës ou imprécises sont interprétées au détriment de l’employeur. En outre, l’employeur doit prouver qu’il a respecté le principe du juste équilibre des intérêts (§ 315 BGB) lors de l’application de la réserve de fonction et qu’il n’y a pas eu d’arbitraire. En cas de litige relatif à la validité ou à la portée de la réserve de fonction, les juridictions du travail vérifient toujours si toutes les conditions formelles et matérielles ont été respectées.

Quelle est la relation entre la réserve de fonction et le pouvoir de modification des tâches prévu à l’article 106 GewO ?

La réserve de fonction complète et précise le pouvoir de modification légale des missions prévu à l’article 106 du Code du commerce (GewO). Tandis que l’art. 106 GewO permet en principe à l’employeur de déterminer plus en détail le contenu, le lieu et la durée du travail selon un juste équilibre des intérêts, le contrat de travail individuel limite généralement ce droit de direction – par exemple à travers une description de poste précise. Cependant, si le contrat contient une réserve de fonction, cela étend le droit de direction de l’employeur, lui permettant d’affecter au salarié d’autres tâches équivalentes. L’étendue de ce pouvoir dépend alors principalement de la portée de la réserve de fonction. Une réserve large accroît la flexibilité de l’employeur, mais reste toutefois encadrée par l’exigence du juste équilibre des intérêts et le principe de raisonnabilité vis-à-vis du salarié.

Quelles limites juridiques doit-on respecter lors de l’application d’une réserve de fonction ?

Dans l’exercice de la réserve de fonction, l’employeur est soumis à plusieurs limites juridiques. Tout d’abord, l’exigence du juste équilibre des intérêts selon § 315 BGB s’applique : la décision d’exercer la réserve de fonction doit être objectivement justifiée, proportionnée et prise en tenant compte des intérêts des deux parties. Les interdictions de discrimination en vertu de la loi générale sur l’égalité de traitement (AGG) doivent être respectées. En outre, la modification ne doit pas entraîner de conditions de travail inacceptables ou défavorables, à moins que cela n’ait été explicitement convenu par contrat. Dans tous les cas, l’employeur doit aussi respecter les droits de codécision du comité d’entreprise en vertu des §§ 99, 102 de la loi sur la constitution de l’entreprise (BetrVG). Un abus de la réserve de fonction – par exemple, pour désavantager un salarié indésirable – est juridiquement interdit et peut entraîner l’inefficacité de la mesure.

La réserve de fonction peut-elle être convenue ultérieurement, et à quelles conditions ?

La conclusion ultérieure d’une réserve de fonction est juridiquement possible, mais elle suppose le consentement du salarié. Cette modification constitue une modification contractuelle et est donc soumise aux règles générales relatives à la conclusion et à la modification des contrats de travail. Une introduction unilatérale par l’employeur n’est pas autorisée. Le salarié doit accepter explicitement ce changement, soit par un avenant écrit au contrat, soit par un comportement tacite, par exemple en continuant à travailler sans opposition dans les nouvelles conditions. La règle de transparence prévue par l’article 307 BGB s’applique également aux réserves de fonction ultérieures, c’est-à-dire que la clause doit être compréhensible et non surprenante. Si l’introduction se fait par le biais d’un licenciement-modification, il convient aussi de respecter les conditions de l’article 2 de la loi sur la protection contre le licenciement (KSchG).

Quel impact la réserve de fonction a-t-elle sur les droits de participation du comité d’entreprise ?

La réserve de fonction a une incidence importante sur les droits de participation du comité d’entreprise. En principe, en cas de mutation au sens de l’art. 95, al. 3 BetrVG, le comité d’entreprise dispose d’un droit de codécision selon l’art. 99 BetrVG. Les affectations résultant d’une réserve de fonction peuvent être considérées comme des mutations, surtout si le domaine d’activité du salarié change substantiellement ou si la nouvelle tâche dure plus d’un mois. L’employeur doit alors obtenir l’accord du comité d’entreprise avant de mettre la mesure en œuvre. Si le comité refuse son accord, l’employeur doit faire trancher la question en justice. En cas de modifications de l’organisation, en lien avec l’application de la réserve de fonction, le comité peut aussi disposer d’un droit de participation (§§ 111 sqq. BetrVG). Les droits du comité d’entreprise ne sont donc pas supprimés par une réserve de fonction contractuelle.

La réserve de fonction s’applique-t-elle sans restriction dans les relations de travail sous convention collective ?

Dans les relations de travail soumises à une convention collective, la validité et la portée d’une réserve de fonction contractuelle doivent toujours être appréciées à la lumière des normes conventionnelles applicables. Les conventions collectives contiennent souvent des dispositions sur le classement, la description des tâches ou la mutation, qui peuvent limiter le droit d’instruction et les réserves de fonction de l’employeur. Selon le principe de faveur de l’article 4, al. 3 TVG, une clause contractuelle individuelle – par exemple une réserve de fonction étendue – ne s’applique que si elle est plus avantageuse pour le salarié que les dispositions conventionnelles. Les dispositions défavorables au salarié sont nulles, sauf si la convention contient une clause d’ouverture. Avant la mise en œuvre d’une réserve de fonction, l’employeur doit donc vérifier la compatibilité avec les normes conventionnelles.

Le salarié a-t-il droit à un ajustement de salaire en cas d’application de la réserve de fonction ?

Le salarié ne peut prétendre à un ajustement de sa rémunération du fait de l’exercice d’une réserve de fonction que si la nouvelle tâche attribuée nécessite un profil supérieur ou est généralement mieux rémunérée. On applique ici le principe dit de « sauvegarde » : si le salarié est affecté à un poste supérieur sans restriction dans la réserve de fonction, il peut exiger la rémunération habituelle liée au nouveau poste (cf. BAG, arrêt du 29.01.2008 – 9 AZR 393/07). Inversement, une mutation vers une tâche moins qualifiée ne doit pas entraîner de baisse de salaire, sauf disposition expresse et valable du contrat de travail ou de la convention collective. Les détails dépendent toujours du contenu concret de la réserve de fonction ainsi que d’éventuelles autres dispositions contractuelles ou conventionnelles.