Notion et fondements du redressement (Turnaround)
La notion de Turnaround désigne, dans le contexte économique et juridique, l’inversion d’une évolution négative d’une entreprise, en particulier en cas de risque d’insolvabilité ou de crise économique. L’objectif d’un Turnaround est le rétablissement de la solvabilité, l’élimination d’une situation menaçant l’existence de l’entreprise et le retour durable à des conditions économiques stables. Le processus de Turnaround est étroitement lié à différentes exigences juridiques, essentielles pour la restructuration et la réorganisation des entreprises.
Cadre juridique du Turnaround
Bases en droit des sociétés
Le point de départ juridique des mesures de Turnaround repose souvent sur les dispositions du droit des sociétés, qui déterminent l’organisation juridique d’une entreprise. En droit allemand, cela implique notamment l’obligation, pour la direction, de déposer sans délai une demande d’ouverture de procédure d’insolvabilité en présence de motifs d’insolvabilité (§ 15a InsO). L’obligation de gérer correctement l’entreprise (§ 43 GmbHG, § 93 AktG) est aussi primordiale. La direction doit, par des mesures appropriées, éviter une incapacité de paiement imminente ou un surendettement.
Dispositions en droit des procédures collectives
Le droit des procédures collectives fournit le cadre juridique du Turnaround en situation de crise d’entreprise. Divers instruments de réorganisation et de restructuration sont disponibles, lesquels dépendent du stade de la crise et des objectifs de l’entreprise.
Motifs d’ouverture de procédure d’insolvabilité
Les principaux motifs d’insolvabilité sont :
- Incapacité de paiement (§ 17 InsO) : La société n’est plus en mesure d’honorer ses obligations exigibles.
- Menace d’incapacité de paiement (§ 18 InsO) : Une incapacité de paiement est prévisible, mais n’est pas encore survenue.
- Surendettement (§ 19 InsO) : Les actifs du débiteur ne couvrent plus les dettes existantes.
Obligation de déposer une demande d’ouverture de procédure d’insolvabilité
L’obligation légale de déposer une demande d’insolvabilité découle du § 15a InsO. La direction d’une société à responsabilité limitée (par ex. GmbH ou AG) doit, en cas de survenance d’un motif d’insolvabilité, déposer la demande sans délai fautif et au plus tard dans les trois semaines.
Procédures de restructuration
Les principaux instruments de restructuration prévus par le droit des procédures collectives sont :
- Administration autonome (§§ 270 sqq. InsO) : La direction demeure habilitée à agir sous la surveillance du tribunal afin de mener la restructuration de manière autonome.
- Procédure de sauvegarde (§ 270b InsO) : Il s’agit d’une procédure préliminaire d’insolvabilité à des fins de restructuration sous protection des créanciers, qui confère au débiteur des instruments particuliers de restructuration.
- Procédure de plan d’insolvabilité (§§ 217 sqq. InsO) : L’entreprise peut alors, avec les créanciers, élaborer et mettre en œuvre un plan de restructuration en dehors de la masse de l’insolvabilité habituelle.
Aspects de droit du travail
Dans le cadre d’un Turnaround, des mesures en droit du travail deviennent régulièrement nécessaires, notamment lors de restructurations et de suppressions d’emplois. En cas de modification de l’appareil de production, il convient de respecter la législation sur la protection contre le licenciement (KSchG). Dans les grandes entreprises, il existe également une obligation d’impliquer le comité d’entreprise (§§ 111 sqq. BetrVG).
Par ailleurs, les prescriptions relatives au licenciement collectif (§ 17 KSchG) et les obligations de déclaration en droit social doivent être respectées. Le déroulement correct des mesures de droit du travail est essentiel pour éviter les litiges et garantir une restructuration conforme au droit.
Impacts fiscaux
Un Turnaround présente généralement aussi des implications fiscales. Cela concerne, en particulier, le traitement des bénéfices de restructuration (§ 3a EStG), la correction de TVA (en cas de pertes de créances ou d’accords de restructuration), ainsi que les risques de responsabilité potentielle pour la direction et l’entreprise. De plus, les reports de pertes fiscales selon § 8c KStG peuvent être affectés par un changement dans la structure de l’actionnariat.
Déroulement et structuration juridique d’un Turnaround
Phases d’un Turnaround
Le processus de Turnaround comprend généralement plusieurs phases ayant chacune leurs propres exigences juridiques :
- Analyse de la situation : Vérification des motifs d’insolvabilité, de la possibilité de restructuration et du cadre d’action légal.
- Phase de conception : Élaboration d’un plan de restructuration sécurisé juridiquement, coordination avec les créanciers, prise en compte des exigences en droit des procédures collectives, des sociétés et du travail.
- Mise en œuvre : Mise en œuvre des mesures de restructuration, exécution des actes nécessaires en droit des sociétés et du travail, et le cas échéant engagement d’une procédure judiciaire de restructuration.
- Assurance de la pérennité : Contrôle de la gestion et respect des exigences juridiques afin de garantir durablement le succès du Turnaround.
Implication des parties prenantes
La structuration juridique du Turnaround exige l’implication de divers groupes d’intérêts (créanciers, salariés, le cas échéant tribunal de l’insolvabilité), dont les droits sont spécialement protégés par le droit des procédures collectives et d’autres cadres légaux. L’accord des créanciers est notamment déterminant dans le cadre des procédures de plan d’insolvabilité.
Risques de responsabilité civile et pénale
Responsabilité de la direction
Lors d’un Turnaround, le risque de responsabilité s’accroît pour les dirigeants de la société. L’introduction tardive d’une demande d’insolvabilité en cas d’insolvabilité peut entraîner une responsabilité personnelle (§ 64 GmbHG a.F., § 15b InsO n.F.). Les paiements intervenus après la survenance du motif d’insolvabilité doivent en principe être évités, sauf exception légale expresse.
Risques au pénal
Outre la responsabilité civile, des conséquences pénales menacent, par exemple pour retard à la déclaration de l’insolvabilité (§ 15a al. 4 InsO), banqueroute (§ 283 StGB) ou escroquerie (§ 263 StGB). Le respect de l’obligation de demande d’ouverture d’insolvabilité ainsi que la conduite objective et ponctuelle de toutes les mesures de Turnaround sont essentiels pour exclure toute infraction pénale.
Importance des cadres européens et internationaux
Les exigences juridiques relatives aux mesures de Turnaround et de restructuration sont de plus en plus modelées par les directives européennes. La directive européenne sur la restructuration et l’insolvabilité (UE) 2019/1023 contient des prescriptions concernant les cadres de restructuration préventive visant à favoriser des restructurations précoces et à éviter les procédures d’insolvabilité. La transposition nationale de ces prescriptions influence fortement la conception des mesures de restructuration, notamment grâce à la loi sur la stabilisation et la restructuration des entreprises (StaRUG), qui depuis 2021 offre de nouvelles options pour la restructuration hors procédure d’insolvabilité.
Résumé
Le Turnaround constitue un processus complexe et réglementé visant à restaurer la performance économique des entreprises en crise. Le cadre juridique concerne principalement les dispositions en droit des sociétés, des procédures collectives, du travail et de la fiscalité. Un strict respect de toutes les obligations légales et des intérêts de l’ensemble des parties prenantes est essentiel afin de minimiser les risques de responsabilité pour la direction et de maximiser les chances de succès du Turnaround. L’évolution du cadre juridique national et international crée en permanence de nouvelles possibilités d’organisation pour les entreprises et leurs organes face aux situations de crise entrepreneuriales.
Questions fréquentes
Qui est responsable, dans un contexte juridique, de la planification et de la mise en œuvre d’un Turnaround ?
Dans un contexte juridique, la responsabilité de la planification et de la mise en œuvre d’un Turnaround incombe en priorité à l’entrepreneur ou à la direction. Dans les sociétés de capitaux telles qu’une GmbH ou une AG, les contrats de société et le droit des sociétés, en particulier la loi sur les GmbH et la loi sur les sociétés anonymes, stipulent que les organes de gestion (direction, conseil d’administration) ont l’obligation de gérer les affaires de sorte que les exigences juridiques, techniques et économiques soient respectées. En cas de Turnaround, ces organes portent également l’entière responsabilité pour l’obtention des autorisations nécessaires, la surveillance des prescriptions de sécurité au travail, le respect de la réglementation environnementale et la coordination sûre de l’ensemble des entreprises, sous-traitants et professionnels impliqués. Ils doivent garantir le respect des obligations contractuelles, envers les clients, fournisseurs ou donneurs de crédit-bail, par exemple. Le non-respect de ces obligations peut entraîner une responsabilité civile ou pénale, par exemple en cas d’accidents du travail, de dommages à l’environnement ou de violation de contrat. Dans des cas particuliers, la délégation à une direction de Turnaround (« Turnaround Manager ») peut être admise, mais la responsabilité ultime et l’obligation de surveillance continuent d’incomber au représentant légal.
Quelles spécificités du droit du travail doivent être prises en compte durant un Turnaround ?
Durant un Turnaround, généralement accompagné d’arrêts, de maintenances, de transformations ou de travaux de réorganisation approfondis, de nombreuses particularités en droit du travail s’appliquent. Il faut notamment tenir compte du fait que, pour le personnel de base, il existe souvent des modifications temporaires des horaires, des affectations ou des lieux de travail. Le travail supplémentaire, le travail des week-ends ou par équipes doit à tout moment respecter la loi sur le temps de travail et, le cas échéant, les conventions collectives ; tout dépassement nécessite une autorisation administrative exceptionnelle. Le comité d’entreprise doit par ailleurs, selon la loi sur la constitution des entreprises, être régulièrement informé ou impliqué lors d’auditions, de procédures de conciliation ou en matière de questions relatives à la protection de la santé. Des dispositions spécifiques régissent également le recours à des prestataires externes et aux travailleurs intérimaires : il faut suivre strictement l’AÜG, la loi sur la preuve ainsi que les prescriptions en matière de sécurité au travail. En raison du risque élevé d’accidents, les obligations liées à l’évaluation des risques, les consignes d’exploitation et la formation selon la loi sur la sécurité au travail et les prescriptions de la DGUV doivent être mises en œuvre de façon renforcée. Les droits de codécision, par exemple pour les mutations, ne doivent pas non plus être négligés.
Quelles sont les obligations juridiques en matière de sécurité au travail lors d’un Turnaround ?
Les exploitants d’installations industrielles ont, lors d’un Turnaround, des obligations renforcées en matière de sécurité au travail. Ces obligations reposent sur la loi sur la sécurité au travail (ArbSchG) ainsi que sur des règlements sectoriels spécifiques, comme l’ordonnance sur la sécurité des installations (BetrSichV) ou l’ordonnance sur les substances dangereuses (GefStoffV). Avant le début du Turnaround, les exploitants doivent mener une évaluation exhaustive des risques, analyser les dangers potentiels et consigner par écrit les mesures appropriées (par exemple, formations, équipements de protection individuelle, contrôles de sécurité). Ils ont l’obligation particulière d’intégrer tous les prestataires externes et sous-traitants dans ces mesures de protection et de leur fournir des instructions documentées — cela comprend également, bien souvent, l’élaboration et l’approbation de plans de sécurité et de santé. Les signalements à la caisse de prévention des accidents professionnels et/ou à l’autorité de surveillance compétente sont obligatoires en cas de risques particuliers, tout comme la création de plans d’urgence selon § 10 ArbSchG. L’inobservation de ces obligations peut entraîner de lourdes amendes ou même des poursuites pénales.
Quelles autorisations et obligations de déclaration sont juridiquement requises en amont d’un Turnaround ?
Avant un Turnaround, selon le secteur et l’ampleur des travaux, il convient fréquemment d’obtenir des autorisations administratives ou de respecter des obligations de déclaration. Selon la loi fédérale allemande sur la protection contre les émissions (BImSchG), l’arrêt d’une installation soumis à autorisation peut devoir être préalablement déclaré à l’autorité compétente, tout particulièrement lorsque des émissions, des déchets ou des procédés de travail sont modifiés. De plus, des interventions et des changements d’exploitation doivent être déclarés conformément à la loi sur la gestion de l’eau (WHG), au code du commerce (GewO), à la législation sur les déchets (KrWG) et aux réglementations environnementales propres à chaque Land. En présence d’obligations spécifiques liées à la directive Seveso III (entreprises à risques majeurs), il convient de remplir des obligations distinctes d’information et de documentation (par exemple auprès du conseil régional, des pompiers). Des autorisations particulières sont aussi fréquemment requises pour les travaux sur des installations électriques ou sous pression, l’échafaudage ou les travaux à chaud (par exemple soudage). Les droits d’utilisation de la voirie, les permissions d’accès ou les déclarations de rassemblement peuvent également avoir une importance juridique selon l’ampleur du projet.
Quels sont les risques de responsabilité pour les entreprises et leurs dirigeants lors d’un Turnaround ?
Lors d’un Turnaround, les entreprises et leurs organes encourent d’importants risques de responsabilité civile, administrative et pénale. Au civil, des demandes d’indemnisation sur le fondement de l’article § 823 BGB (en cas de dommages corporels ou matériels, par exemple) peuvent surgir si les obligations de diligence (par exemple en matière de sécurité au travail) sont violées. Les dommages environnementaux peuvent en outre donner lieu à des recours fondés sur le droit de l’environnement ou à une obligation de réparation. La direction engage sa responsabilité personnelle en cas de manquement à ses obligations d’organisation, de sélection et de supervision. Sur le plan pénal, des risques résultent notamment de blessures involontaires (§ 229 StGB), d’homicide involontaire (§ 222 StGB) ou d’infractions environnementales (§§ 324 sqq. StGB). Les violations de la compliance, notamment en cas de défaut de contrôle, sont susceptibles de sanctions pécuniaires indépendamment de la survenue effective d’un dommage (par ex. selon l’OWiG). Des conséquences administratives, telles que des mesures d’arrêt d’exploitation ou d’obligation de remédiation, sont également possibles.
Quelles particularités s’appliquent aux contrats avec des prestataires externes dans le cadre d’un Turnaround ?
L’intégration de prestataires externes lors d’un Turnaround est soumise à de nombreuses spécificités juridiques. Il est notamment impératif de définir de manière contractuelle claire les responsabilités, la nature des prestations ainsi que les questions de responsabilité et d’assurance. Des contrats d’entreprise ou de services, assortis de dispositions spécifiques concernant la réception, les défauts et la garantie, sont fréquemment conclus. Une attention particulière doit être portée à l’intégration juridiquement sûre de sous-traitants, notamment au regard de la loi sur le détachement de travailleurs (AEntG), de la loi sur le salaire minimum (MiLoG) ainsi que du risque de travail indépendant fictif. La protection des données (RGPD), les obligations de confidentialité et la sauvegarde du savoir-faire de l’entreprise doivent également être précisées contractuellement. Il faut également définir clairement les modalités de participation à la sécurité au travail (notamment la participation aux contrôles de sécurité, l’accès aux formations à la sécurité), car la responsabilité du respect des prescriptions en matière de sécurité au travail demeure du ressort de l’exploitant, même en cas de recours à du personnel externe.
Comment sont réglementées juridiquement les exigences en matière de documentation ?
La réglementation relative à la documentation juridique lors d’un arrêt technique est particulièrement stricte. Les entreprises sont tenues de documenter de manière immédiate et traçable tous les processus liés à la sécurité, tels que les évaluations des risques, les instructions, les vérifications ou les autorisations de travaux. Les fondements juridiques sont la loi sur la protection du travail (§ 6 ArbSchG), le règlement sur la sécurité opérationnelle (§ 17 BetrSichV) ainsi que de nombreuses normes sectorielles spécifiques (par exemple, la règle DGUV Vorschrift 1). Les modifications de l’organisation des procédés, les protocoles de remise ainsi que toutes les demandes et autorisations déposées auprès des autorités doivent également être archivées. La documentation sert de preuve du respect des obligations légales et constitue une base probante en cas de sinistre ou de contrôle par les autorités. Les violations des obligations de documentation sont régulièrement sanctionnées en tant qu’infractions administratives et augmentent le risque de responsabilité personnelle des responsables.