Définition du terme : Partie prenante
Le terme « Stakeholder » provient à l’origine de l’anglais et désigne littéralement une personne ou un groupe ayant un « intérêt » (« stake ») dans une entreprise, un projet ou une organisation. Dans le contexte juridique, la définition des parties prenantes englobe toutes les personnes physiques et morales, institutions ou groupes qui ont un intérêt réel ou potentiel dans les activités, décisions et évolutions d’une organisation ou qui peuvent en être affectés. L’intégration du concept de stakeholder dans les contextes juridiques s’applique notamment en droit des sociétés, en droit de la surveillance, en droit des contrats ainsi qu’en droit de la responsabilité lié aux entreprises.
Bases juridiques et distinction conceptuelle
Parties prenantes en droit des sociétés
En droit des sociétés, le terme stakeholder s’oppose à celui de shareholder, lequel est directement lié à des droits de propriété et des droits de vote au sein d’une société. Les parties prenantes englobent cependant un groupe bien plus large comprenant, outre les actionnaires, aussi les salariés, les créanciers, les fournisseurs, les clients, les partenaires commerciaux, les pouvoirs publics, les organisations environnementales et l’opinion publique.
Bien que les parties prenantes ne disposent pas nécessairement de droits de membres au sens des dispositions du droit des sociétés, diverses dispositions légales – telles que la loi sur les sociétés anonymes (AktG), la loi sur les sociétés à responsabilité limitée (GmbHG) ou le droit de l’Union européenne – prévoient une implication ou une prise en compte indirecte de leurs intérêts.
Obligations envers les parties prenantes dans la loi allemande sur les sociétés par actions
La loi allemande sur les sociétés par actions (AktG) impose au directoire et au conseil de surveillance d’une société anonyme de ne pas se limiter à préserver les intérêts des actionnaires dans la gestion de l’entreprise, mais également de tenir compte d’autres groupes d’intérêt pertinents (approche dite des parties prenantes, cf. § 93 AktG). Bien que la loi ne mentionne pas explicitement le terme “stakeholder”, la jurisprudence et la doctrine incluent expressément différents groupes cibles.
Parties prenantes dans les actes européens
De nombreuses directives européennes, en particulier dans les domaines de la gouvernance d’entreprise et du développement durable (par ex. directive RSE, règlement sur la taxonomie de l’UE), abordent explicitement l’identification, l’évaluation et la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes. Les entreprises sont tenues de mener des dialogues approfondis avec les parties prenantes, de divulguer les risques affectant les intérêts des parties prenantes et, le cas échéant, d’adapter leur comportement entrepreneurial.
Parties prenantes dans le Code civil allemand et en droit de la responsabilité
Le Code civil allemand (BGB) ne contient pas de définition directe du terme stakeholder. Toutefois, dans le cadre des obligations de diligence (§§ 241, 823 BGB), des obligations d’information et de protection, des droits indirects peuvent bénéficier aux parties prenantes, par exemple en tant que partenaire contractuel, bénéficiaire tiers des obligations de protection (effet « tiers ») ou dans le cadre de la responsabilité délictuelle.
Groupes de parties prenantes dans le contexte juridique
Actionnaires et associés
Les actionnaires font toujours partie des parties prenantes et jouissent de droits de codécision et d’influence inhérents au droit des sociétés (par ex. droits de vote, droits aux dividendes).
Salariés et comité d’entreprise
Les salariés et leurs organes de représentation (par ex. comité d’entreprise selon la BetrVG) disposent de droits légaux de participation ainsi que de droits d’audition et d’information (§§ 80 et suivants BetrVG), ce qui en fait, au sens large, des parties prenantes dotées de positions juridiques explicites.
Créanciers et partenaires contractuels
Les bailleurs de fonds externes, fournisseurs et autres partenaires contractuels sont des parties prenantes, car les décisions de l’entreprise influencent leurs relations commerciales et leurs investissements. Leurs droits et obligations dérivent en particulier des bases contractuelles ainsi que des mécanismes de protection en droit des faillites.
Clients et public
Les lois sur la protection des consommateurs et des données (par ex. BDSG, RGPD) reflètent la position juridique des clients en tant que parties prenantes. Le public agit – par exemple via des actions collectives ou des droits à l’information environnementale – comme partie prenante externe auprès des entreprises.
État et organisations environnementales
Les procédures de contrôle et d’autorisation administratives, les prescriptions environnementales (par ex. loi fédérale sur la protection contre les nuisances, loi sur l’information environnementale) ainsi que les règles sur le reporting de durabilité visent à prendre en considération les intérêts des instances étatiques et des groupes sociaux en tant que parties prenantes.
Droits et obligations des parties prenantes
Droits à l’information
Selon le groupe de parties prenantes, il existe différentes prétentions à l’information. Ainsi, les sociétés sont tenues d’informer les actionnaires et, parfois, le public, sur les développements essentiels (par ex. selon § 121 AktG), tandis que les salariés disposent de droits à l’information conformément à la loi sur la constitution des entreprises.
Droits de participation et obligations de concertation
Les représentants des salariés disposent dans certains cas de droits de codécision (loi sur la codécision, loi sur la participation d’un tiers). Les actionnaires disposent de droits d’influence et de vote étendus. Il convient également de mentionner les droits de protection des créanciers dans la procédure d’insolvabilité (par ex. assemblée des créanciers, § 74 InsO).
Droit d’action et de réclamation
Les parties prenantes peuvent recourir à différentes voies d’action pour faire valoir leurs intérêts, par exemple via une action individuelle (par. ex. action en justice de l’actionnaire), une action collective (par ex. associations environnementales ou de consommateurs) ou des procédures de réclamation auprès des autorités de surveillance.
Obligations de diligence des organes de l’entreprise
Les organes dirigeants des entreprises ont le devoir de se conformer aux normes légales de diligence. Toute violation affectant les intérêts des parties prenantes peut entraîner des demandes de dommages et intérêts (par ex. § 93 al. 2 AktG ou § 826 BGB).
Gestion des parties prenantes et exigences légales
Intégration et communication
Les entreprises sont de plus en plus tenues de mener des analyses et des dialogues systématiques avec les parties prenantes, par exemple dans le cadre des lois sur la chaîne d’approvisionnement, des obligations de durabilité ou du reporting de l’entreprise (voir Responsabilité Sociétale d’Entreprise, CSRD).
Gestion des risques et de la conformité
La prise en compte juridique des intérêts des parties prenantes est une composante essentielle de la gestion des risques commerciaux et de la conformité. L’ignorance des intérêts des parties prenantes peut entraîner des risques de responsabilité, des atteintes à l’image et des amendes.
Différences avec l’approche Shareholder
L’approche classique centrée sur les actionnaires (Shareholder Value) se concentre exclusivement sur les droits et intérêts des propriétaires d’une entreprise. À l’inverse, l’approche des parties prenantes impose une prise en compte globale de tous les groupes socialement pertinents, ce qui élargit tant la portée que la diversité des obligations juridiques et des risques de responsabilité.
Importance des parties prenantes en jurisprudence et en pratique
La jurisprudence prend de plus en plus en compte les intérêts des parties prenantes dans ses décisions, par exemple lors de l’évaluation de décisions d’entreprise, du règlement de litiges en droit des sociétés ou de l’application de règles en droit de l’environnement et de la protection des consommateurs. Le concept de partie prenante gagne sans cesse en importance, notamment en raison de l’intégration croissante des aspects sociaux, écologiques et éthiques dans la gouvernance des entreprises.
Références et sources complémentaires
- Baums, Th. : Modèle parties prenantes et modèle actionnarial en droit des sociétés
- Lutter, M. : Droits des parties prenantes dans l’Union européenne
- Wielandt, F. : Gouvernance d’entreprise entre valeur actionnariale et valeur parties prenantes
Remarque : Cet article offre un aperçu détaillé des aspects juridiques concernant les parties prenantes en Allemagne et dans l’Union européenne. Pour l’application à des situations spécifiques, il convient de se référer aux lois, directives et décisions judiciaires applicables.
Questions fréquentes
Qui doit être considéré comme partie prenante d’une entreprise au sens juridique ?
Dans le contexte juridique, le cercle des parties prenantes d’une entreprise comprend principalement les groupes et individus bénéficiant de droits, obligations ou prétentions déterminés par la loi ou le contrat à l’égard de l’entreprise. Il s’agit classiquement des associés ou actionnaires, dont les droits et devoirs sont définis dans les statuts, contrats de société ainsi que dans la loi sur les sociétés anonymes, la loi sur les SARL ou d’autres réglementations pertinentes. Sont également concernés les salariés, dont le statut est principalement protégé par le droit du travail et les conventions collectives, ainsi que les créanciers, qui disposent de prétentions contractuelles issues de relations de crédit, de livraison ou autres. Les clients, fournisseurs et l’État (ex. créancier fiscal) sont également à considérer comme parties prenantes, étant donné que des relations contractuelles ou légales existent souvent avec l’entreprise. Une attention particulière doit également être portée aux parties prenantes de droit public telles que les autorités de surveillance, les offices anti-trust et autres institutions, dont le pouvoir d’influence et de contrôle est réglé par la loi.
Quelles obligations juridiques une entreprise a-t-elle envers ses parties prenantes ?
Les obligations juridiques d’une entreprise envers ses parties prenantes résultent, selon le groupe, de diverses lois, réglementations et contrats. À l’égard des associés et actionnaires, il existe notamment des obligations d’information, de distribution des bénéfices et de codécision, dont l’étendue est définie par les dispositions du droit des sociétés. Les règles du droit du travail régissent les obligations de l’entreprise envers ses employés, notamment en matière de paiement du salaire, de protection du travail et de participation. Les obligations contractuelles envers les créanciers comprennent le remboursement ponctuel du capital et le respect des conditions convenues. Dans les rapports avec l’État, l’entreprise doit se conformer aux prescriptions fiscales, de sécurité sociale et autres dispositions de droit public. À l’égard des clients existent également des obligations légales d’information, de diligence et de responsabilité, dérivant par exemple du Code civil allemand (BGB) ou de la législation sur la responsabilité du fait des produits.
Existe-t-il des droits particuliers des parties prenantes en matière de participation à la gestion d’entreprise ?
Oui, en particulier les salariés bénéficient, en droit allemand, de droits étendus de codécision, prévus dans la loi sur la constitution des entreprises (BetrVG), la loi sur la codécision (MitbestG) et d’autres lois spéciales. Ces droits de codécision s’exercent à différents niveaux : au sein de l’entreprise, via le comité d’entreprise qui participe par exemple aux recrutements, licenciements et plans sociaux, mais aussi au niveau de la société par la participation au conseil de surveillance, notamment dans les sociétés de capitaux à partir d’une certaine taille. Certains créanciers peuvent également obtenir des droits de participation dans les procédures de restructuration ou d’insolvabilité, notamment lors des assemblées des créanciers. Les actionnaires, quant à eux, ont légalement droit à la participation aux assemblées générales, au droit de vote et au droit à l’information.
Quelle est l’importance du principe des parties prenantes dans la gouvernance juridique des entreprises ?
Le principe des parties prenantes n’est pas explicitement prescrit comme maxime d’action en droit allemand, néanmoins, les intérêts des différents groupes de parties prenantes sont intégrés dans la gouvernance d’entreprise via des lois spécifiques. Tandis que les obligations des organes dirigeants sont prioritairement axées sur le bien de l’entreprise et les intérêts des actionnaires (approche Shareholder Value), l’article § 93 al. 1 AktG prescrit la “diligence d’un chef d’entreprise consciencieux et loyal”, ce qui implique aussi de prendre en compte les intérêts d’autres parties prenantes – tels que les salariés, créanciers et le public. En droit des faillites, les intérêts des créanciers sont par exemple particulièrement protégés ; en droit du travail, les droits des salariés sont souvent mis sur un pied d’égalité avec ceux des propriétaires. Les exigences légales en matière de reporting de durabilité et de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) incluent également de fait d’autres groupes parties prenantes.
Comment les conflits d’intérêts entre différentes parties prenantes sont-ils régulés juridiquement ?
Les conflits d’intérêts entre groupes de parties prenantes sont traités par un système étendu de normes, prescriptions et règlements internes en droit allemand. Par exemple, en cas d’insolvabilité, les intérêts des créanciers sont particulièrement pris en compte par la loi sur l’insolvabilité (InsO), et les droits des salariés sont protégés par des dispositions strictes sur les plans sociaux et des limites aux licenciements. Les dispositions en droit des sociétés telles que la loi sur les sociétés anonymes (AktG) régissent les conflits classiques entre actionnaires majoritaires et minoritaires, notamment au travers de règles sur les droits en assemblée générale et la protection des minorités. En droit du travail, la loi sur la constitution des entreprises et le droit conventionnel garantissent la prise en compte des intérêts des salariés face aux décisions managériales. En fin de compte, il revient souvent à la gouvernance de l’entreprise, dans le respect du cadre légal, d’opérer un équilibre approprié entre des intérêts parfois divergents.
Quels sont les risques de responsabilité pour les dirigeants d’entreprise dans la gestion des intérêts des parties prenantes ?
Les dirigeants d’entreprise (directeurs, gérants) engagent leur responsabilité en droit allemand aussi bien envers l’entreprise (interne) qu’envers les tiers (externe) s’ils manquent à leurs devoirs envers les parties prenantes. Selon les articles § 93 AktG et § 43 GmbHG, ils sont soumis à une obligation de loyauté et de diligence. Une violation peut entraîner des demandes de dommages et intérêts, par exemple en cas de non-respect des droits des salariés (ex. licenciements collectifs sans plan social), de non-prise en compte des intérêts des créanciers (ex. retard de déclaration de faillite selon § 15a InsO) ou de manquement aux obligations d’information envers les actionnaires. Des conséquences pénales sont également possibles en cas de gestion déloyale, fraude ou infractions au droit du travail ou de l’environnement. En matière de responsabilité du fait des produits, un comportement fautif peut entraîner des conséquences personnelles étendues.
Quels droits à l’information les parties prenantes ont-elles vis-à-vis de l’entreprise ?
Le droit à l’information varie selon les groupes de parties prenantes. Les actionnaires disposent d’un droit légal d’information et d’examen lors des assemblées générales (§ 131 AktG). Les salariés sont représentés par le comité d’entreprises qui, conformément à la loi sur la constitution des entreprises, bénéficie de larges droits à l’information et à la consultation. Les créanciers ne disposent généralement que des droits à l’information prévus dans leur contrat mais peuvent, dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, obtenir un accès à certaines informations par l’intermédiaire du syndic. L’État et les autorités publiques ont des droits étendus d’inspection et d’information, sur la base notamment des règles fiscales, sociales et de surveillance. Les clients bénéficient de droits à l’information spécifiques sur les produits et les contrats, en particulier dans le cadre du droit de la consommation et de la législation sur le responsabilité des produits. Il existe également d’importantes obligations de publication, notamment la publication des comptes annuels au Bundesanzeiger selon les §§ 325 et suivants HGB.