Définition et qualification juridique de l’obligation de présentation des faits
L’obligation de présentation des faits (« Darlegungslast ») est un concept central du droit allemand de la procédure civile. Elle désigne l’obligation, pour une partie, d’exposer certains faits de manière suffisamment concrète et détaillée afin qu’ils puissent servir de fondement à la décision judiciaire. Elle est étroitement liée à la charge de la preuve, mais s’en distingue par sa fonction et sa signification au sein du procès. L’obligation de présentation précise notamment quelle partie doit, à quel moment de la procédure, avancer de façon concluante et présenter un état de fait déterminé.
Distinction : Obligation de présentation des faits et charge de la preuve
Obligation de présentation des faits
L’obligation de présentation impose à chaque partie de présenter les faits qui lui sont favorables de façon plausible, compréhensible et cohérente. Ce n’est que lorsqu’un état de fait a été exposé de façon suffisante par une partie que le tribunal en tiendra compte et pourra éventuellement ordonner une mesure d’instruction. Faute d’une présentation suffisante, une allégation reste « en l’air » et ne sera pas prise en compte.
Charge de la preuve
Contrairement à la charge de la preuve, qui détermine qui supporte le risque qu’un fait soit considéré comme non prouvé, l’obligation de présentation détermine seulement qui doit présenter les faits. Ainsi, l’obligation de présentation concerne le devoir procédural d’exposer les faits, tandis que la charge de la preuve désigne la responsabilité de la production des preuves et le risque y afférent.
Fondement légal de l’obligation de présentation des faits
L’obligation de présentation des faits est principalement consacrée dans le Code de procédure civile allemand (ZPO). L’article déterminant est le § 138 ZPO, qui impose le devoir d’exposer complètement et sincèrement les faits. La partie doit présenter de façon substantielle les circonstances lui étant favorables ; la partie adverse a la possibilité de s’expliquer à ce sujet et, le cas échéant, de présenter des faits contraires.
Dispositions essentielles
- § 138 ZPO – Obligation d’explication des parties
- § 286 ZPO – Formation de la conviction du tribunal
- § 513 BGB – Règles de charge de la preuve en droit matériel
Exigences liées à l’obligation de présentation des faits
Obligation de concrétisation
La partie qui se prévaut d’une circonstance juridiquement pertinente doit l’exposer de manière suffisamment concrète pour que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre et vérifier l’allégation. De simples affirmations générales ou stéréotypées sont insuffisantes. Le critère est toujours de savoir si le récit des faits est suffisamment détaillé pour que la partie adverse puisse y répondre de manière ciblée.
Degrés de l’obligation de présentation
L’obligation de présentation peut être progressive, notamment en présence de situations complexes. Si la partie astreinte à la présentation répond à son obligation, la partie adverse doit, à son tour, contester et présenter des faits contraires. Si cela réussit, la partie initialement astreinte à présenter devra éventuellement préciser davantage son exposé (obligation dite de présentation secondaire).
Obligation secondaire de présentation
L’obligation secondaire de présentation représente une forme particulière de l’obligation de présentation des faits. Elle s’applique lorsque l’une des parties n’est pas en mesure ou ne saurait raisonnablement être tenue de présenter davantage le déroulement, alors que l’autre partie possède des connaissances détaillées et les moyens de clarifier les faits. L’obligation secondaire de présentation vise à garantir l’égalité des armes et une clarification correcte de l’affaire.
Exemples pratiques
Droit du travail
En procédure prud’homale, l’obligation de présentation pèse par exemple sur l’employeur dans les affaires de licenciement, car c’est à lui d’exposer, de façon substantielle, les faits justifiant la validité du licenciement au procès. La salariée pourra alors s’expliquer en détail et contester.
Droit du bail
En droit du bail, l’obligation de présentation incombe au bailleur, par exemple lorsqu’il réclame des charges locatives : il doit exposer la survenance, l’imputabilité et la régularité de l’appel de charges.
Droit de la concurrence
Dans une action en concurrence déloyale, la partie alléguant un acte déloyal doit fonder cette allégation en présentant de façon cohérente les différents actes commerciaux reprochés.
Conséquences juridiques en cas de manquement à l’obligation de présentation des faits
Si une partie ne satisfait pas à son obligation de présentation, ses allégations sont écartées. Le tribunal doit alors statuer comme si le fait invoqué n’avait jamais existé. Une présentation insuffisante peut ainsi entraîner un rejet total ou partiel de la demande, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une instruction sur la preuve.
Obligation de présentation dans différents types de procès
Procédure civile
Dans le procès civil et le droit de la procédure civile, l’obligation de présentation constitue un élément central des débats oraux et écrits. C’est à ce stade qu’il est décidé si tel ou tel fait pourra servir de fondement à la décision du jugement.
Procédure administrative et pénale
Dans d’autres codes de procédure, comme le Code de procédure administrative ou le Code de procédure pénale, existent aussi des obligations de présenter les faits, qui dépendent toutefois des concepts fondamentaux propres à chaque mode de procédure.
Littérature et jurisprudence supplémentaire
L’obligation de présentation fait l’objet d’une abondante littérature et d’une riche jurisprudence. Des arrêts de principe de la Cour fédérale de justice (BGH) et des Cours d’appel fixent régulièrement des critères concernant la configuration, la portée et les limites de cette obligation, notamment quant à l’obligation secondaire ou au degré d’exigence de la présentation des faits dans le procès civil.
Importance de l’obligation de présentation pour la procédure
L’obligation de présentation a des conséquences considérables sur le déroulement de la procédure et le risque procédural. Elle garantit, avec la charge de la preuve, l’équité du procès et est essentielle pour une décision juste et conforme à l’État de droit. Des erreurs dans la présentation peuvent entraîner la perte totale de droits, tandis qu’une présentation soignée augmente considérablement les chances de succès.
Remarque : L’obligation de présentation est une notion procédurale essentielle, qui joue un rôle dans presque toutes les formes de procédure et revêt une importance décisive pour la clarification efficace des faits. Pour apprécier les chances de succès ou préparer une action, la connaissance précise de l’obligation de présentation et des exigences applicables est indispensable.
Questions fréquemment posées
Qui supporte l’obligation de présentation dans le procès civil et quelle est la différence avec la charge de la preuve ?
En principe, chaque partie doit présenter les faits qui lui sont favorables devant la juridiction civile. Selon le principe de la production des moyens de preuve (§ 138 ZPO), chaque partie doit exposer les faits dont elle tire un avantage juridique. L’obligation de présentation est à distinguer de la charge de la preuve : alors que l’obligation de présentation concerne l’ampleur et la nécessité de l’exposé factuel, la charge de la preuve désigne le devoir de prouver les prétentions en cas de contestation. Si une partie n’honore pas son obligation de présentation, la demande ou la défense peut être rejetée comme non fondée, sans qu’il y ait lieu de répartir la charge de la preuve. Ce n’est qu’une fois le débat suffisamment étayé et contesté par l’adversaire que l’attribution de la charge de la preuve détermine l’issue du procès lorsque la preuve échoue.
Dans quels cas l’obligation de présentation peut-elle être renforcée au détriment d’une partie (« obligation secondaire de présentation ») ?
Dans certaines circonstances particulières, l’obligation de présentation peut être renforcée, devenant ainsi une obligation dite secondaire de présentation. Cela concerne les situations dans lesquelles une partie dispose de meilleures connaissances sur les faits pertinents, tandis qu’il serait déraisonnable d’attendre de l’autre partie qu’elle expose les faits de manière précise sans informations complémentaires. La jurisprudence exige alors que la partie la mieux informée fournisse de plus amples détails ou explique de façon transparente les faits, permettant ainsi au tribunal d’en apprécier la portée juridique. Des exemples typiques se trouvent, par exemple, en droit d’auteur (p. ex. partage de fichiers), lorsque le titulaire de l’accès Internet allègue que d’autres personnes avaient accès à la connexion, ou en droit de la responsabilité médicale pour des opérations relevant du domaine du médecin. Si la partie ne respecte pas son obligation secondaire de présentation, cela peut être retenu contre ses intérêts dans le procès.
À quel niveau de détail l’exposé des faits doit-il répondre à l’obligation de présentation ?
Devant le juge civil, l’exposé des faits doit être suffisamment précis et étayé pour permettre au tribunal une appréciation juridique des prétentions ou moyens soulevés. La partie doit exposer des faits concrets et éventuellement les étayer par des moyens de preuve. De simples affirmations générales, des formules ou mots-clés ne suffisent pas à satisfaire à l’obligation de présentation. Le niveau de détail requis dépend de la complexité du cas concerné et des arguments avancés par la partie adverse ; en cas de contestation précise, l’exposé doit souvent être complété ou précisé. L’essentiel est que l’exposé offre une base suffisante pour l’instruction sur la preuve et que le juge du fond puisse reconstituer le déroulement des événements.
Quelle est l’incidence de la contestation par la partie adverse sur l’obligation de présentation ?
Lorsque la partie adverse conteste les faits présentés, une simple présentation ne suffit généralement plus. La partie qui supporte l’obligation de présentation doit alors détailler davantage son exposé, c’est-à-dire fournir des précisions sur les événements allégués. Cela comprend, outre la mention de noms, de lieux et de dates, parfois aussi l’explication de faits internes (p. ex. motifs, intentions) lorsque cela s’avère pertinent pour fonder la prétention. « La contestation pour défaut de connaissance » n’est admise que si la partie contestataire ne dispose pas de ses propres connaissances (§ 138 al. 4 ZPO). Par ailleurs, une contestation détaillée et qualifiée de la partie adverse est un préalable indispensable à l’ouverture d’une instruction sur la preuve.
Quel rôle joue l’obligation de présentation en droit du travail ou en droit du bail ?
En droit du travail, l’obligation de présentation peut notamment être partagée lors de procédures relatives à la protection contre le licenciement : ainsi, l’employeur doit exposer les motifs du licenciement (par ex. nécessité d’ordre économique), tandis que le salarié doit montrer en quoi les faits allégués (par exemple, erreur dans le choix social) ne s’appliquent pas. En droit du bail, c’est généralement le bailleur qui supporte l’obligation de présenter les faits justifiant la résiliation ou l’augmentation du loyer, alors que le locataire doit motiver ses contestations. Dans les deux domaines, il existe en outre fréquemment un renforcement de l’obligation de présentation, par exemple lorsque l’une des parties a accès à des informations ou documents particuliers auxquels l’autre n’a pas accès.
Que se passe-t-il si l’obligation de présentation n’est pas respectée lors du procès civil ?
Si une partie ne satisfait pas à son obligation de présenter un fait qui fonde ou éteint un droit, son exposé est considéré comme insuffisant. Par conséquent, le juge n’en tiendra pas compte lors de l’instruction sur la preuve. Si l’exposé ne permet pas d’établir les conditions de la demande, celle-ci sera rejetée comme non fondée ; s’il manque l’exposé des moyens de défense ou d’exception, l’attaque adverse restera vaine. La partie assume donc le risque que ses arguments ne soient pas pris en compte en l’absence d’une présentation suffisante.
Le tribunal peut-il donner à une partie des indications pour qu’elle remplisse son obligation de présentation ?
Le tribunal est tenu, selon § 139 ZPO, de veiller à la clarification correcte des faits. Il attire l’attention des parties sur les lacunes de l’exposé factuel ou le manque de précision, et indique les points qui doivent être améliorer ou compléter. L’objectif est d’éviter une décision surprise et d’offrir à chaque partie la possibilité d’adapter sa présentation aux exigences de l’obligation de présentation. L’obligation de présentation demeure néanmoins – même en présence de ces indications – à la charge de chaque partie. Si une partie néglige de compléter son exposé malgré l’incitation du juge, elle risque un désavantage procédural.