Définition du terme : Jugements étrangers
Le terme jugements étrangers englobe les décisions judiciaires rendues par les tribunaux d’un autre État que la République fédérale d’Allemagne. Dans les relations juridiques internationales, les jugements étrangers sont importants lorsqu’ils doivent produire des effets juridiques au-delà des frontières nationales, en particulier lorsqu’ils prétendent à la reconnaissance et à l’exécution dans un autre pays. Le traitement des jugements étrangers relève du droit international de la procédure civile et touche à des questions de souveraineté étatique, de sécurité juridique ainsi que de confiance mutuelle entre les États.
Principes de base de la reconnaissance et de l’exécution
Principes centraux
La reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers sont en principe régies par le principe du respect mutuel des décisions judiciaires. Les conditions et la procédure sont déterminées soit par des conventions internationales (telles que des traités multilatéraux ou bilatéraux), soit — à défaut de celles-ci — par le droit national.
- Reconnaissance d’un jugement étranger signifie que celui-ci peut produire sur le territoire national des effets juridiques équivalents à ceux d’un jugement national. Les conséquences typiques sont l’autorité de la chose jugée et l’effet préclusif.
- Exécution désigne le fait que le jugement peut, au besoin, être mis à exécution par des mesures de coercition (par exemple, exécution forcée). Pour l’exécution, il faut généralement une déclaration de force exécutoire dite « exequatur ».
Sources du droit
Les bases légales applicables au traitement des jugements étrangers en Allemagne sont les suivantes :
- Règlements européens, notamment le règlement Bruxelles Ia (RB I bis, ou Bruxelles I refondu)
- Conventions internationales, telles que la Convention de La Haye
- Droit national, notamment l’article 328 du Code de procédure civile allemand (ZPO) et la loi sur la reconnaissance et l’exécution
Conditions de reconnaissance des jugements étrangers
Conditions générales de reconnaissance
Un jugement étranger est en principe reconnu s’il est définitif et exécutoire dans l’État de décision. Les autres conditions sont les suivantes :
- Compétence internationale: Le tribunal étranger ayant statué devait être compétent internationalement selon la conception nationale.
- Procédure régulière: Les parties doivent avoir été entendues équitablement, et notamment, il ne doit pas y avoir de vices graves de procédure (par exemple, violation du droit d’être entendu).
- Absence d’incompatibilité: Le jugement étranger ne doit pas être incompatible avec les principes fondamentaux du droit interne (l’ordre public).
- Absence de décisions internes contradictoires: Il ne doit exister aucune décision allemande ou déjà reconnue étrangère portant sur le même objet.
- Réciprocité: Dans certains cas, la reconnaissance est facilitée si l’État étranger reconnaît également les jugements allemands (principe de réciprocité).
Conditions particulières de reconnaissance dans l’UE
Dans le cadre de l’Union européenne, le règlement Bruxelles Ia simplifie grandement la reconnaissance : aucune déclaration expresse de reconnaissance n’est nécessaire ; un jugement étranger rendu dans un État membre de l’UE est en principe automatiquement reconnu, sauf existence de motifs spécifiques de refus.
Motifs de refus (Règlement Bruxelles Ia)
- Violation manifeste de l’ordre public interne
- Atteinte au droit fondamental d’être entendu d’une partie
- Incompatibilité avec un jugement ou une décision antérieurs, nationaux ou étrangers
Exécution des jugements étrangers
Procédure générale
Pour qu’un jugement étranger soit exécuté en Allemagne, il faut en règle générale une déclaration de force exécutoire du tribunal régional compétent (procédure dite d’exequatur), sauf s’il existe une convention internationale applicable.
Exigences dans la procédure d’exequatur
Le tribunal examine notamment :
- La compétence et l’autorité de chose jugée du jugement rendu
- La bonne identification et la participation des parties
- La conformité à l’ordre public allemand
- Éventuelles restrictions liées à la réserve de réciprocité
Règles spécifiques dans l’Union européenne
Au sein de l’UE, la procédure d’exequatur a été supprimée par le règlement Bruxelles Ia (art. 39 et suivants). Le jugement est directement exécutoire dans les autres États membres, à condition que le créancier présente une attestation émanant du tribunal d’origine.
Application des conventions internationales
Pour les jugements provenant de pays hors de l’UE, notamment ceux des États signataires de la Convention de La Haye, la procédure de reconnaissance et d’exécution est également facilitée, à condition que l’État entretienne les relations conventionnelles adéquates.
Motifs de refus de la reconnaissance et de l’exécution
Aperçu des motifs de refus (§ 328 ZPO)
En Allemagne, les jugements étrangers ne sont pas reconnus si :
- La compétence du tribunal étranger fait défaut (sauf soumission volontaire)
- Le jugement est entaché d’une grave erreur de procédure (par exemple, absence de convocation en temps utile d’une partie)
- Le jugement serait incompatible avec les principes matériels essentiels du droit allemand (violation de l’« ordre public »)
- Il existe déjà un jugement allemand ou un jugement étranger reconnu portant sur le même objet
Ordre public (ordre public)
Un élément central est le ordre public: Un jugement ne peut être reconnu en Allemagne s’il conduit à un résultat manifestement contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique allemand. Sont notamment concernés les graves restrictions des droits procéduraux ou les violations des droits de l’homme.
Domaines d’application des jugements étrangers
La reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers concernent notamment les domaines suivants :
- Décisions civiles (par ex. créances contractuelles, jugements en réparation délictuelle)
- Affaires familiales (telles que décisions relatives à l’entretien ou à l’autorité parentale)
- Jugements en droit commercial et des sociétés (y compris en matière d’insolvabilité)
- Dans certains cas, sentences arbitrales, si la Convention de New York s’applique (à distinguer des jugements étatiques)
Portée et conséquences juridiques
Autorité de la chose jugée et effet contraignant
Les jugements étrangers reconnus ont la même autorité de la chose jugée que les jugements allemands. Ils produisent un effet contraignant en droit matériel comme procédural, notamment en ce qui concerne l’effet préclusif.
Exécution transfrontalière des droits
La reconnaissance et l’exécution effectives des jugements étrangers permettent une application et une défense efficaces des droits dans le cadre des échanges juridiques internationaux, favorisent l’intégration économique et apportent de la sécurité juridique aux citoyens et aux entreprises.
Résumé
Les jugements étrangers prennent une importance croissante à l’ère de la mondialisation. Leur reconnaissance et leur exécution constituent un domaine complexe du droit international de la procédure civile, régi par une interaction entre le droit de l’UE, les conventions internationales et la législation nationale. Un examen attentif de la compétence, de la régularité de la procédure et de la conformité avec l’ordre juridique national est essentiel à la reconnaissance et à l’exécution des jugements étrangers.
Questions fréquemment posées
Quelles sont les conditions applicables à la reconnaissance des jugements étrangers en Allemagne ?
En droit allemand, la reconnaissance des jugements étrangers est soumise à des conditions précises résultant de conventions internationales (par exemple, les règlements européens comme le règlement Bruxelles Ia), de traités bilatéraux ainsi que des dispositions nationales telles que les §§ 328 et suivants du ZPO. Les principales conditions incluent notamment : premièrement, le jugement doit avoir été rendu par un tribunal étranger compétent (compétence internationale), la compétence étant vérifiée selon les conceptions allemandes. Deuxièmement, le jugement ne doit pas avoir été définitivement refusé dans l’État de reconnaissance ni faire l’objet d’une procédure en cours (pas de décision contradictoire ni d’instance pendante — « litispendance » ou « autorité de la chose jugée »). Troisièmement, la reconnaissance ne doit pas contrevenir à l’ordre public, c’est-à-dire que le jugement ne doit pas être incompatible avec les principes essentiels de l’ordre juridique allemand, en particulier la Loi fondamentale. Quatrièmement, la procédure à l’étranger doit avoir respecté les principes d’un procès équitable (droit d’être entendu, indépendance du juge, convocation régulière). Cinquièmement, il est fréquemment nécessaire de présenter une copie certifiée conforme du jugement assortie d’une traduction (selon la voie de reconnaissance choisie). Ces conditions sont examinées méticuleusement tant sur le fond que sur la forme.
Les jugements pénaux étrangers peuvent-ils être exécutés en Allemagne ?
Les jugements pénaux étrangers ne peuvent pas en principe être exécutés en Allemagne. En droit allemand, le principe de territorialité s’applique, selon lequel seules les juridictions allemandes peuvent exécuter des sanctions pénales sur le territoire allemand. Une exception existe toutefois, notamment dans le cadre de l’Union européenne : grâce à des directives et des décisions-cadres sur la reconnaissance mutuelle des jugements pénaux, en particulier la décision-cadre 2008/909/JAI, certaines peines peuvent être transférées au-delà des frontières et exécutées par l’Allemagne. Cela requiert toutefois une procédure formelle au cours de laquelle les tribunaux et autorités compétents allemands vérifient si le jugement étranger a été rendu dans le respect des principes fondamentaux de l’État de droit et s’il n’existe aucun obstacle (en particulier violation des droits fondamentaux ou interdiction de la double condamnation). Hors Europe, des accords d’entraide judiciaire spéciaux ou la loi allemande sur l’entraide judiciaire internationale (IRG) peuvent s’appliquer, mais dans des limites strictes.
Quel rôle joue l’ordre public dans la reconnaissance des jugements étrangers ?
Le prétendu ordre public (ordre public) constitue une limite essentielle à la reconnaissance et à l’exécution des jugements étrangers en droit allemand. Lorsqu’un jugement étranger viole les principes fondamentaux de l’ordre juridique allemand (par exemple, violation des principes essentiels de procédure, interdiction de discrimination, dignité humaine), la reconnaissance peut être refusée. Le tribunal compétent vérifie alors si le résultat ou l’élaboration du jugement entre en conflit avec des normes internes fondamentales. Ce contrôle est particulièrement important en matière de droit de la famille, de statut des personnes et en matière pénale, mais aussi, en droit civil, en cas de violations manifestes des principes d’État de droit, tels que le droit d’être entendu ou le principe d’égalité des parties.
Les décisions étrangères en matière alimentaire sont-elles directement exécutoires en Allemagne ?
La possibilité d’exécuter les décisions étrangères en matière alimentaire en Allemagne dépend principalement de la provenance du jugement (État membre de l’UE ou État tiers). Dans l’UE, le règlement Bruxelles II bis ou le règlement sur les obligations alimentaires (CE n°4/2009) prévoit que les décisions en matière d’aliments peuvent, lorsqu’elles répondent à certaines conditions formelles, être reconnues et directement exécutées dans les autres États membres, souvent même sans procédure d’exequatur. Pour les jugements provenant de pays tiers, une procédure de reconnaissance et d’exécution conformément aux §§ 108 et suivants du FamFG est généralement nécessaire. Cette procédure vérifie notamment la compétence internationale du tribunal d’origine, le respect du droit d’être entendu, l’absence de décisions contradictoires et la conformité à l’ordre public. Après reconnaissance, l’autorité allemande d’exécution peut intervenir.
Quelles sont les exigences de forme à respecter lors de la présentation de jugements étrangers ?
Pour la reconnaissance ou l’exécution d’un jugement étranger en Allemagne, il est en règle générale nécessaire de présenter une copie certifiée conforme du jugement original, souvent accompagnée d’une traduction complète réalisée par un traducteur assermenté vers l’allemand. Dans certains cas — par exemple pour un jugement rendu dans l’UE — un formulaire standard spécifique (par exemple certificat suivant les règlements européens) peut en outre être exigé. Selon l’accord d’entraide applicable, une apostille ou une légalisation peut également être requise pour attester l’authenticité du document. Le non-respect de ces exigences de forme peut entraîner le rejet de la demande de reconnaissance ou d’exécution.
Quand un jugement étranger a-t-il autorité de chose jugée en Allemagne ?
Un jugement étranger n’a pas, en principe, automatiquement autorité de chose jugée en Allemagne ; la reconnaissance de sa force obligatoire est subordonnée au droit de l’État d’origine. Il faut vérifier que le jugement est définitif et exécutoire tant sur le fond que sur la forme à l’étranger, et déploie ainsi son effet contraignant. En Allemagne, la décision étrangère n’est pas « convertie », mais sa force exécutoire étrangère est reprise dans le cadre de la procédure de reconnaissance — pour autant que toutes les conditions soient réunies. Ce n’est qu’après la procédure et la reconnaissance que le jugement produit ses effets en Allemagne et peut, par exemple, fonder des mesures d’exécution.
Les sentences arbitrales étrangères peuvent-elles être exécutées en Allemagne ?
L’exécution des sentences arbitrales étrangères en Allemagne est régie par la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (1958, dite Convention de New York), à laquelle l’Allemagne a adhéré. Une sentence arbitrale rendue à l’étranger peut, en principe, être exécutée comme une sentence nationale, à condition de satisfaire à certaines exigences de forme et qu’aucun obstacle à la reconnaissance — tel qu’une violation de l’ordre public, l’absence de convention d’arbitrage ou de droit d’être entendu — ne s’y oppose. La procédure de reconnaissance et d’exécution suit les §§ 1061 et suivants du ZPO. Là encore, il convient de fournir des copies certifiées conformes, des traductions ainsi que l’original de la convention d’arbitrage. Les tribunaux opèrent un contrôle strict afin de prévenir tout abus ou manipulation.