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Interlocking

Notion et définition de l’interlocking

Par l’interlocking on entend, dans un contexte juridique, le cumul de fonctions de direction ou de contrôle au sein d’entreprises, en particulier lorsque cela concerne plusieurs entreprises d’un même groupe ou des entreprises concurrentes. Cette problématique est essentielle en droit des sociétés, en droit de la concurrence et en droit antitrust. On parle d’interlocking lorsqu’une personne physique exerce simultanément des fonctions managériales (par exemple, en tant que membre du directoire, gérant ou membre du conseil de surveillance) dans plusieurs entreprises juridiquement indépendantes. Ce cumul de fonctions peut engendrer des conflits d’intérêts, compromettre la concurrence ou entraîner un enchevêtrement des processus décisionnels des entreprises.

Évolution historique et cadre international

La problématique de l’interlocking a été pleinement perçue pour la première fois lors de l’industrialisation et de la naissance des grandes entreprises. Le développement du droit de la concurrence aux États-Unis a, dès le début du XXe siècle, explicitement pris en considération l’interlocking afin d’éviter les enchevêtrements anticoncurrentiels.

Interlocking en droit américain

En droit américain de la concurrence, l’interlocking est explicitement réglementé à la Section 8 du Clayton Act de 1914 . Cette loi interdit à certaines personnes d’occuper simultanément des postes de direction au sein d’entreprises cotées concurrentes. L’objectif est d’empêcher les formes de cartel par des liens personnels.

Interlocking en droit allemand et européen

En droit allemand des sociétés et en droit antitrust, les liens d’intérêts et la nécessité de prises de décisions indépendantes de la part des organes de direction sont également protégés par la loi. La loi contre les restrictions de concurrence (GWB) et le contrôle des concentrations du Bundeskartellamt intègrent les configurations d’interlocking dans leurs mécanismes d’examen. Des dispositions comparables figurent dans le droit européen de la concurrence aux articles 101 et 102 TFUE, même s’il n’existe pas de règles légales expresses interdisant l’interlocking.

Aspects juridiques et problématiques liés à l’interlocking

Dispositions en droit des sociétés

En droit des sociétés, notamment dans la loi sur les sociétés anonymes (AktG) et la loi sur les sociétés à responsabilité limitée (GmbHG), l’indépendance de la direction est mise en avant. Les dirigeants doivent agir dans l’intérêt de l’entreprise – tout en tenant compte des intérêts des actionnaires et des salariés. L’interlocking crée cependant des conflits d’intérêts, car des décisions prises en faveur d’une société liée peuvent porter atteinte au devoir de préserver l’intérêt propre de l’entreprise. La loi exige ainsi une action responsable et prévoit des règles de révocation et de responsabilité dans certaines situations.

Conflits d’intérêts et devoirs de loyauté

Les organes de direction sont soumis à de stricts devoirs de loyauté envers leur société. Le fait de défendre simultanément les intérêts d’une autre entreprise, potentiellement concurrente, est en contradiction avec ces devoirs. Les manquements peuvent entraîner des actions en responsabilité civile, y compris des demandes de dommages-intérêts ou la révocation de la fonction.

Analyse antitrust

Le droit de la concurrence porte également une attention accrue à l’interlocking, en particulier dans le cadre du contrôle des concentrations et de la prévention des distorsions de concurrence illicites :

  • Effets de boycott : l’interlocking peut conduire à une coordination des comportements concurrentiels, notamment dans le cas d’accords de marché ou sur les prix.
  • contrôle des concentrations : dans le cadre du contrôle des concentrations, les enchevêtrements organiques et personnels sont pris en compte lors de l’examen. L’existence d’un interlocking peut entraîner l’interdiction de la fusion si un risque de position dominante sur le marché est constaté.

Aspects liés à la codétermination

Le droit de la codétermination prend également en considération l’interlocking. Il importe ici notamment que les représentants des salariés et les dirigeants agissent de manière indépendante, afin d’éviter toute influence illicite.

Effets et importance pratique

Incidences sur la direction et le contrôle de l’entreprise

Les liens personnels issus d’un interlocking peuvent restreindre la liberté décisionnelle et l’efficacité des organes de direction et de contrôle. Ils compliquent la surveillance, favorisent l’opacité et peuvent fausser la concurrence. Au sein des groupes et des grandes structures, des mesures de conformité (compliance) sont régulièrement mises en place pour prévenir l’interlocking.

Sanctions et conséquences juridiques

Un interlocking constaté, qui conduit à une violation légale ou à une manquement à une obligation, peut entraîner diverses conséquences juridiques :

  • Actions en responsabilité civile
  • Interdiction antitrust de concentrations
  • Révocation des membres d’un organe
  • Nullité des contrats en cas de restrictions concurrentielles constatées

Prévention et mesures de conformité

Afin d’éviter les situations problématiques d’interlocking, les entreprises mettent fréquemment en place des systèmes de conformité qui prévoient notamment des obligations de déclaration en cas de conflit d’intérêts ainsi que des exigences d’autorisation pour certains mandats. Ainsi, les risques d’infractions ou de conflits d’intérêts peuvent être minimisés.

Obligations de déclaration

En Allemagne et au niveau européen, il existe des obligations de déclaration et de transparence qui rendent visibles les liens de personnel pour les actionnaires et les autorités de contrôle. Cela permet un examen ciblé et, le cas échéant, le refus de certains mandats.

Références bibliographiques

  • Loi contre les restrictions de concurrence (GWB)
  • Loi sur les sociétés anonymes (AktG)
  • Clayton Act, Section 8, États-Unis
  • Droit européen de la concurrence (TFUE art. 101, 102)

Résumé : L’interlocking désigne, d’un point de vue juridique, la situation où des fonctions de direction ou de contrôle se superposent entre différentes entreprises. Cela concerne des domaines centraux du droit des sociétés, du droit de la concurrence et de la gouvernance d’entreprise. Les réglementations et mesures de conformité visent à éviter les conflits d’intérêts, à garantir la transparence et l’indépendance et à prévenir les distorsions de concurrence. Le contrôle de l’interlocking constitue un élément majeur de la gestion moderne des entreprises ainsi que de la prévention des risques antitrust.

Questions fréquentes

Quelles dispositions légales encadrent l’interlocking en Allemagne ?

L’interlocking, c’est-à-dire le cumul de mandats d’organes dans des entreprises concurrentes, est encadré en Allemagne par diverses réglementations. La principale est l’article 88 de la loi sur les sociétés anonymes (AktG), qui pose l’interdiction de concurrence pour les membres du conseil de surveillance. Selon cet article, les membres du conseil de surveillance ne peuvent exercer aucune fonction d’organe ni activité de conseil dans des entreprises concurrentes, sauf si les statuts en disposent autrement ou si le conseil de surveillance donne une dérogation. Par ailleurs, pour les gérants de sociétés à responsabilité limitée (GmbH), les dispositions des articles 6 et 35 GmbHG ainsi que les devoirs généraux de loyauté s’appliquent. D’un point de vue antitrust, l’interlocking peut soulever des problèmes en vertu de règles allemandes et européennes, notamment les articles 1 et suivants du GWB et l’article 101 et suivants du TFUE, si le cumul de mandats facilite des accords restrictifs de concurrence. De plus, il existe des dispositions sectorielles, par exemple à l’article 21 de la loi sur l’énergie (EnWG), qui peuvent limiter ou interdire l’interlocking.

Quels sont les risques juridiques en cas de violation des règles d’interlocking ?

Les infractions aux dispositions légales relatives à l’interlocking peuvent avoir des conséquences civiles, sociétaires et pénales importantes. Parmi celles-ci figurent notamment la contestation de décisions prises par des membres d’organe indûment impliqués. En cas de violation de l’interdiction de concurrence, le membre d’organe risque notamment la révocation ou une obligation d’indemnisation envers la société. Dans le contexte du droit de la concurrence, de lourdes amendes peuvent être prononcées ; le droit européen prévoit aussi la possibilité de déclarer nuls des contrats issus de comportements collusifs. En outre, la divulgation des manquements dans le cadre d’un système de conformité peut porter gravement atteinte à la réputation de l’entreprise.

Quelles sont les obligations de déclaration et d’information liées à l’interlocking ?

Les personnes cumulant plusieurs fonctions doivent régulièrement déclarer leurs autres mandats aux organes de contrôle, comme le conseil de surveillance. Selon les dispositions légales, par exemple conformément à l’art. 125 al. 1 phrase 5 AktG pour les assemblées générales, les conflits d’intérêts et de mandats doivent être déclarés. Cette obligation de déclaration s’applique non seulement en interne, mais peut également être exigée à l’externe dans les sociétés cotées, conformément à l’art. 285 n° 10 HGB, notamment dans les rapports annuels et auprès des actionnaires. Le non-respect de ces obligations peut entraîner l’annulation de décisions ou engager la responsabilité du membre d’organe concerné.

Existe-t-il des règles spécifiques à l’interlocking en droit européen ?

En droit européen, notamment dans le contexte du droit de la concurrence, l’interlocking peut être considéré comme une coordination indirecte entre concurrents (« interlock »). L’art. 101 TFUE interdit les accords et pratiques concertées qui empêchent la concurrence. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que des chevauchements de personnel pouvaient déjà constituer une « coordination tacite » s’ils favorisent ou facilitent des infractions à la concurrence. Par ailleurs, il existe des règles particulières pour certains secteurs, comme les établissements financiers ou les fournisseurs d’énergie, prévues dans des directives et règlements de l’UE. Les États membres peuvent ici prévoir des mesures nationales plus strictes afin de limiter l’interlocking.

Comment l’interlocking est-il évalué et examiné au regard du droit de la concurrence ?

Le droit de la concurrence évalue l’interlocking sous l’angle d’une possible restriction de concurrence. Le fait même de prendre des fonctions de direction ou un mandat de conseil de surveillance dans des entreprises concurrentes peut être vu comme un « cartel structurel » si cela facilite l’échange d’informations ou des pratiques concertées. Les autorités de concurrence (Bundeskartellamt, Commission européenne) examinent notamment dans quelle mesure l’interlocking est utilisé pour échanger des informations sensibles sur le marché ou coordonner les développements du marché. En présence d’indices, l’autorité peut ouvrir une enquête et, le cas échéant, prendre des mesures telles que l’interdiction des mandats ou l’imposition de lourdes sanctions pécuniaires.

Des exceptions ou autorisations à l’interlocking sont-elles possibles ?

Dans certains cas, des exceptions aux interdictions légales de l’interlocking sont possibles. Dans les sociétés anonymes, le conseil de surveillance peut lever, à titre exceptionnel, l’interdiction de concurrence prévue à l’art. 88 AktG, dans l’intérêt de la société et à condition qu’aucun conflit d’intérêts majeur n’existe. Les statuts peuvent également prévoir certains assouplissements. Au niveau européen, des exemptions peuvent être accordées sur la base de l’art. 101, paragraphe 3, TFUE, à condition que des gains d’efficacité soient démontrés et qu’aucun effet négatif sur la concurrence ne soit établi. Toutefois, ces exceptions sont strictement encadrées et doivent être dûment documentées et justifiées.

Quelles sont les obligations de contrôle et de diligence de l’entreprise à l’égard de l’interlocking ?

Les entreprises ont l’obligation d’examiner avec une attention particulière, lors de la nomination et du suivi de leurs membres d’organe, l’existence de risques potentiels d’interlocking. Cela comprend l’examen des listes de mandats, des liens d’intérêts et des éventuelles situations concurrentielles des candidats. Afin de réduire les risques, elles doivent instaurer des directives internes de conformité, organiser des formations régulières et mettre en place des mécanismes de déclaration. En cas de violation, l’entreprise est tenue de prendre des mesures adéquates, telles que des révocations ou des notifications aux autorités, afin d’éviter d’autres risques de responsabilité ou d’atteinte à la réputation.