Notion et fondements de l’état de nécessité putatif
La notion État de nécessité putatif désigne en droit pénal une situation dans laquelle une personne agissante suppose à tort se trouver dans un état de nécessité au sens de l’article 34 du StGB, alors qu’objectivement aucune situation de nécessité n’existe. Le terme dérive du mot latin « putare » (croire, penser, considérer comme) et désigne ainsi un « état de nécessité imaginaire ».
La pertinence de l’état de nécessité putatif résulte dans le cadre du schéma d’examen de la culpabilité pénale, en particulier de la théorie de l’erreur, car le comportement de l’agent est, de son point de vue, considéré comme justifié, bien qu’en réalité aucun motif de justification n’existe.
Distinction : état de nécessité, excès de légitime défense et état de nécessité putatif
État de nécessité selon l’article 34 du StGB
Il y a véritable état de nécessité lorsqu’un danger actuel menace un bien juridique susceptible d’être protégé par la nécessité et que l’acte accompli représente un moyen adéquat pour écarter ce danger. Il s’agit alors d’un motif justificatif qui supprime l’illicéité d’un acte.
État de nécessité putatif
À l’inverse, l’état de nécessité putatif repose sur la simple supposition ou la croyance erronée en une situation de nécessité. L’agent pense à tort qu’un danger actuel existe alors qu’objectivement, aucun danger n’est présent.
Distinction avec l’excès putatif de légitime défense
L’état de nécessité putatif doit être distingué du putatif excès de légitime défense (excès apparemment commis en légitime défense) ainsi que de la légitime défense putative (situation de légitime défense supposée à tort). Dans l’état de nécessité putatif, l’agent pense devoir protéger lui-même ou autrui d’un danger par un acte de nécessité ; dans la légitime défense putative, il se croit (à tort) victime d’une attaque illicite.
Qualification juridique de l’état de nécessité putatif
Erreurs en droit pénal
L’état de nécessité putatif constitue un cas classique de erreur sur les éléments justificatifs. L’agent se trompe sur la réalisation effective d’un motif de justification (§ 34 StGB), mais pas sur les limites légales de sa conduite. Il s’agit donc d’une erreur sur les conditions factuelles d’un motif de justification.
Erreur sur les éléments justificatifs selon l’article 16, al. 1, phrase 1 StGB
L’état de nécessité putatif relève de l’erreur sur les éléments justificatifs, qui selon l’article 16 StGB exclut l’intention si l’auteur ignore, lors de la commission de l’acte, une circonstance faisant partie des éléments constitutifs de l’infraction. Cependant, l’existence d’une situation de nécessité n’est pas un élément constitutif, mais un motif de justification ; c’est pourquoi il s’applique ici l’application analogue de la théorie de l’erreur.
Conséquences sur la culpabilité et la responsabilité pénale
En cas d’état de nécessité putatif, l’illicéité de l’acte subsiste généralement, car il n’existe objectivement pas de situation de nécessité. Selon la théorie de l’erreur, c’est cependant l’intention de commettre une infraction qui est affectée comme élément subjectif de la culpabilité. La majorité de la doctrine applique ici les règles du dit erreur sur les éléments justificatifs , de sorte qu’en cas d’erreur inévitable, il faut retenir l’article 17 StGB (erreur d’interdiction) qui peut entraîner l’absence de culpabilité si l’erreur était inévitable pour l’auteur.
Distinction avec l’erreur sur le droit (erreur d’interdiction)
L’erreur sur les éléments justificatifs doit être distinguée de l’erreur d’autorisation. Dans l’état de nécessité putatif, il s’agit d’une erreur sur une circonstance factuelle (l’existence d’un danger), tandis que l’erreur d’autorisation concerne l’appréciation juridique (supposition erronée sur la portée d’un motif de justification).
Plan d’analyse et conséquences juridiques
Réunion des éléments constitutifs de l’infraction
Il convient d’abord de déterminer si les mesures prises par l’agent tombent sous le coup d’une infraction pénale.
Justification – Examen de l’existence réelle de l’état de nécessité
Dans le cadre de l’examen du motif de justification découlant de l’article 34 StGB, il convient d’analyser s’il existait réellement un danger actuel pour un bien juridique pouvant faire l’objet d’un état de nécessité. Or, cela n’est précisément pas le cas pour l’état de nécessité putatif.
Intention et traitement de l’erreur
Il faut déterminer si l’intention portait sur tous les éléments constitutifs objectifs de l’infraction. Puisque l’auteur pense accomplir un acte de protection contre un danger, il lui manque l’intention concernant la commission illicite de l’acte, si on applique par analogie l’erreur sur les éléments justificatifs conformément à l’article 16, al. 1, phrase 1 StGB.
Culpabilité
Si, après application des règles sur l’erreur, il subsiste une erreur d’interdiction au sens de l’article 17 StGB, il convient d’examiner si l’erreur était évitable. L’erreur inévitable entraîne l’absence de culpabilité, l’erreur évitable une responsabilité pénale avec circonstances atténuantes.
Qualification dogmatique et controverses doctrinales
Théories sur le traitement de l’état de nécessité putatif
La jurisprudence et la doctrine proposent diverses approches pour qualifier dogmatiquement l’état de nécessité putatif :
- Théorie stricte de l’intention : Il n’existe pas d’erreur sur les éléments justificatifs, de sorte que l’intention demeure et seule la culpabilité au sens de l’article 17 StGB est exclue, à condition que l’erreur ait été inévitable.
- Théorie de la responsabilité restreinte : L’erreur sur les éléments justificatifs exclut l’intention. L’auteur est ainsi traité comme s’il avait réellement agi dans son droit.
- Approches combinées : La distinction se fait selon que l’erreur aurait été complètement subjective ou objectivement évitable.
L’opinion dominante suit actuellement la théorie de la responsabilité restreinte, selon laquelle l’intention disparaît lorsque l’erreur était inévitable.
Portée pratique et exemples
L’état de nécessité putatif dans la jurisprudence
En pratique, les cas de nécessité putative se produisent principalement dans la prévention de dangers supposés, par exemple lors d’actes de sauvetage, de mesures de prévention ou de secours d’urgence présumé, alors que les conditions objectives d’un véritable état de nécessité ne sont pas réunies.Exemple : Une personne croit qu’un enfant est en danger de mort dans une voiture verrouillée en été et brise la vitre pour le libérer. Or, l’enfant était déjà sain et sauf sorti du véhicule, si bien qu’aucun danger ne subsistait. Il s’agit ici d’un cas classique d’état de nécessité putatif.
Résumé
L’état de nécessité putatif constitue une configuration importante en droit pénal de l’erreur, dans laquelle une personne suppose à tort l’existence d’une véritable situation de nécessité et agit pour prévenir un danger, alors qu’objectivement, aucun danger n’existe. L’évaluation de l’erreur est décisive pour la responsabilité pénale. Selon la majorité de la doctrine, l’intention disparaît en cas d’erreur inévitable, de sorte que l’acte reste impuni. Si l’erreur était évitable, la responsabilité pénale peut être engagée pour erreur d’interdiction évitable, éventuellement avec circonstances atténuantes.
L’état de nécessité putatif est ainsi un élément central de la dogmatique de l’erreur et joue un rôle important dans l’articulation entre la protection des biens juridiques, la sécurité et la justice dans l’ordre pénal.
Questions fréquemment posées
Qui supporte la charge de la preuve en cas d’état de nécessité putatif ?
En cas d’état de nécessité putatif, c’est-à-dire d’un état de nécessité admis à tort, l’accusé supporte en principe la charge de la preuve du fait qu’il croyait se trouver dans une telle situation de danger. La preuve concerne surtout la représentation intérieure de l’auteur au moment des faits et les circonstances concrètes à l’origine de son erreur. Il suffit que le tribunal soit convaincu de l’existence de l’erreur ou, à tout le moins, qu’il subsiste un doute sérieux à cet égard, de sorte qu’il faille décider « en faveur de l’accusé » (in dubio pro reo). Toutefois, l’obligation d’argumentation ne signifie pas que l’accusé doive prouver objectivement qu’il existait réellement un danger, mais plutôt que sa supposition subjective d’un tel danger soit compréhensible et puisse se baser sur des circonstances concrètes.
Quelle est la différence entre l’état de nécessité putatif, l’excès de légitime défense ou la légitime défense putative ?
La différence essentielle réside dans le fait que l’état de nécessité putatif se rapporte à un état de nécessité justifiant supposé (seulement cru) au sens de l’article 34 StGB, tandis que la légitime défense putative renvoie à une situation supposée (seulement crue) de légitime défense. Alors que l’excès de légitime défense décrit le dépassement des limites d’une situation réelle de légitime défense (article 33 StGB), l’état de nécessité putatif consiste en une erreur de l’auteur sur l’existence réelle d’une situation de nécessité. Dans les deux cas putatifs, les conditions du motif de justification concerné ne sont objectivement pas réunies, de sorte qu’aucune justification n’intervient ; cependant, en cas d’état de nécessité putatif – comme pour la légitime défense putative – on retient une soi-disant erreur sur les éléments justificatifs (article 17 StGB par analogie), qui permet d’excuser l’auteur en raison de son erreur sur les conditions d’une situation justifiant.
Quelles sont les conséquences juridiques en cas de reconnaissance d’un état de nécessité putatif ?
Lorsqu’un état de nécessité putatif est admis, autrement dit si l’auteur croyait à la présence d’une situation assimilable à la nécessité, l’acte demeure illicite, faute de condition objective réelle de nécessité. Toutefois, en règle générale, l’intention disparaît – si l’erreur porte sur les conditions factuelles du motif de justification. Il s’agit alors d’une erreur sur les éléments justificatifs (article 16, alinéa 1, phrase 1 StGB), ce qui a pour conséquence d’exclure la responsabilité pour infraction intentionnelle. Une répression pour négligence reste possible, dès lors que l’infraction concernée (par exemple, blessures involontaires) admet la commission par négligence et que l’on peut reprocher à l’auteur de ne pas avoir évité son erreur. Ce n’est qu’en cas d’agissement fautif de la part de l’auteur et d’erreur évitable qu’une condamnation pour négligence est envisageable.
Comment doit-on examiner l’état de nécessité putatif dans la structure d’un cas de droit pénal ?
Dans l’expertise, après l’analyse des éléments objectifs et subjectifs de l’infraction, il convient d’établir s’il existe, à titre exceptionnel, un motif de justification. Si, objectivement, aucune situation de nécessité n’est donnée mais que l’auteur se prévaut néanmoins d’un état de nécessité, il convient de vérifier s’il existe une erreur concernant une justification d’état de nécessité, autrement dit un état de nécessité putatif. L’erreur doit être traitée à la section « Culpabilité », concrètement en tant qu’erreur sur les éléments justificatifs (article 16, alinéa 1, phrase 1 StGB par analogie). Il convient alors d’expliciter comment et pourquoi l’auteur s’est trompé et si les conditions d’une telle erreur étaient réunies. En conséquence, l’exclusion de l’intention peut souvent être retenue, de sorte que seule la responsabilité pour négligence doit être examinée.
Quel rôle joue l’obligation de diligence en cas d’état de nécessité putatif ?
L’obligation de diligence est surtout déterminante dans l’état de nécessité putatif pour la question de la responsabilité pénale en cas de comportement négligent. Si l’erreur de l’auteur était évitable parce qu’il a ignoré des circonstances objectivement reconnaissables ou ne s’est pas suffisamment informé sur la situation, la négligence peut lui être reprochée. À l’inverse, il n’y a pas de négligence si l’erreur était inévitable, c’est-à-dire si même un auteur consciencieux et scrupuleux aurait pu, dans les circonstances données, supposer la présence d’une situation de nécessité. Il faut donc toujours procéder à une analyse soigneuse des faits et des circonstances du point de vue d’un tiers objectif.
L’état de nécessité putatif peut-il être pertinent pour toute infraction ?
En principe, l’état de nécessité putatif peut toujours être déterminant dès lors que la qualification pénale correspondante prévoit un motif de justification selon l’article 34 StGB. Cela concerne en particulier les infractions pour lesquelles une situation d’état de nécessité peut être envisagée, telles que les atteintes à l’intégrité physique et les infractions contre les biens. Il est toutefois nécessaire que l’acte ait été objectivement requis du point de vue de l’auteur pour écarter un danger (même seulement supposé) et que celui-ci se soit trompé en conséquence. Pour les véritables infractions spéciales ou les infractions qui ne prévoient aucune option de justification, l’état de nécessité putatif n’a, par contre, aucune incidence.
Quelle importance a la motivation personnelle de l’auteur dans l’état de nécessité putatif ?
La motivation de l’auteur revêt une importance juridique dans le cadre de l’état de nécessité putatif en ce qu’elle permet d’apprécier le sérieux et la plausibilité de l’erreur. Il est déterminant que l’auteur agisse dans une intention de sauvetage et croie effectivement devoir écarter un danger pesant sur un bien juridique. Une situation d’état de nécessité avancée de façon purement opportuniste, sans croyance véritable de l’auteur, ne suffit pas ; l’auteur doit être convaincu avoir agi dans le cadre d’un état de nécessité justifiant, ce qui peut se déduire de son comportement avant, pendant et après l’acte. L’analyse précise de la motivation et du raisonnement sous-jacents est ainsi indispensable.