Définition et signification du déni de justice
Le déni de justice (« Rechtsbeugung ») constitue en droit pénal allemand une forme particulièrement grave de manquement aux devoirs de service par un titulaire d’une charge publique de la justice. Il représente l’un des instruments de protection centraux de la confiance dans l’indépendance et l’objectivité du pouvoir judiciaire ainsi que dans la justice en général. La répression pénale s’applique aux actes des juges, ainsi qu’aux personnes investies de fonctions juridictionnelles publiques, y compris les arbitres, notaires et autres titulaires d’une fonction dans le domaine judiciaire.
Réglementation légale du déni de justice
Dispositif pénal § 339 du StGB
Le déni de justice est régi par l’article 339 du Code pénal allemand (StGB). Le texte de la loi est le suivant :“Un juge, un autre titulaire d’une charge publique ou un arbitre, qui, lors de la conduite ou de la décision dans une affaire judiciaire, fausse le droit au profit ou au détriment d’une partie, est puni d’une peine privative de liberté d’un an à cinq ans.”Ce dispositif constitue une infraction dite « d’office » et fait partie des règles de droit pénal destinées à protéger le principe de l’État de droit.
Éléments constitutifs du déni de justice
Auteur de l’infraction
Le cercle des auteurs est strictement défini et inclut :
- Les juges professionnels et non professionnels (juges professionnels et assesseurs/juge non professionnel)
- Autres titulaires de charges publiques investis de la conduite ou de la décision dans une affaire judiciaire (par exemple, procureurs, notaires, greffiers de justice)
- Arbitres au sens des codes de procédure
L’infraction concerne donc exclusivement les personnes auxquelles une autorité décisionnelle officielle est attribuée en raison de leur fonction.
Élément objectif
Conduite ou décision dans une affaire judiciaire
L’infraction suppose que l’auteur se trouve dans une situation concrète de conduite ou de décision impliquant une affaire judiciaire. Est considérée comme « affaire judiciaire » toute question dans laquelle le droit applicable est appliqué à un cas d’espèce, notamment les procédures judiciaires (civiles, pénales, administratives etc.).
Détournement du droit
L’acte principal consiste en une « dénaturation du droit ». Celle-ci est réalisée lorsque le titulaire de charge publique viole consciemment et gravement le droit applicable et agit dans le but d’avantager ou de désavantager une partie.
Concrètement, cela signifie :
- La déviation du droit doit être arbitraire ou systématique ; une simple erreur ou même une faute grave ne suffit pas.
- Le déni de justice implique un dépassement considérable, voire un mépris des règles juridiques applicables, par un acte volontaire.
Avantage ou désavantage pour une partie
Le déni de justice est constitué pour toute injustice systématique au profit ou au détriment d’une partie ; cela recouvre toute infraction intentionnelle à la règle de décision, et pas seulement des avantages matériels concrets.
Élément subjectif
Prérequis Intention – L’auteur doit savoir et vouloir porter une atteinte significative au droit. L’intention de nuire à une partie ou de lui procurer un avantage est toujours nécessaire. La négligence n’est pas suffisante.
Distinctions et difficultés de distinction
Distinction avec l’erreur dans l’application du droit
Toute décision illégale ne constitue pas pour autant un déni de justice. Le seuil du déni de justice se situe significativement au-dessus de la simple erreur de droit, même grossière. Seule la violation manifeste, systématique ou arbitraire de la loi ou la décision prise en conscience du caractère illégal des actes constitue l’infraction.
Différence avec d’autres manquements aux devoirs de fonction
Le déni de justice se distingue nettement d’autres infractions du catalogue des manquements à la fonction dans le StGB, en particulier : Fausse attestation dans l’exercice de la fonction (§ 348 StGB), de la Corruption passive (§ 331 StGB) et de la Breach de confiance (§ 266 StGB), Le déni de justice est constitué dès que la mission centrale d’application neutre du droit est sciemment violée pour avantager ou désavantager une partie.
Sanctions et conséquences juridiques
Barème des peines
L’article 339 du StGB prévoit un barème de peines sensiblement aggravé :
- Peine privative de liberté d’un an à cinq ans (peine minimale = 1 an)
Un sursis à l’exécution de la peine n’est envisageable que si des circonstances particulières le justifient (§ 56 al. 2 StGB).
Conséquence de la condamnation
La condamnation pour déni de justice entraîne de lourdes conséquences :
- Exclusion de la fonction et de la fonction publique
- Inscription au casier judiciaire
- Perte de la réputation et cessation définitive de l’activité professionnelle dans le secteur judiciaire
Bien juridique protégé par la norme
Le bien juridique protégé par cette disposition est fondamentalement la confiance du public dans l’intégrité, l’objectivité et la légalité du processus décisionnel juridique. Sont également particulièrement protégés le principe de l’État de droit ainsi que la crédibilité et la fonctionnalité de l’ensemble de l’ordre juridique.
Jurisprudence sur le déni de justice
Cour fédérale de justice (BGH)
La jurisprudence de la haute juridiction, notamment de la Cour fédérale de justice, précise les exigences requises pour constater un déni de justice. La BGH exige un écart manifeste, flagrant et conscient par rapport à la loi, prenant également en compte les motifs de l’auteur, la nature et la gravité de la violation du devoir ainsi que les incidences sur la procédure.
Charge de la preuve et exigences en procédure pénale
Le déni de justice constitue une infraction intentionnelle difficile à prouver en matière pénale. Le seuil de responsabilité pénale est élevé ; le doute profite toujours à l’accusé (in dubio pro reo).
Perspective internationale et comparaison
Le déni de justice est sanctionné dans de nombreux systèmes juridiques en tant que forme de faute judiciaire (« abuse of office » ou « judicial misconduct »). Toutefois, la configuration précise et la qualification pénale diffèrent considérablement selon les systèmes juridiques.
Aspects criminologiques et prévention
Les cas de déni de justice sont extrêmement rares en pratique, car le seuil de répression pénale est élevé et la preuve difficile à rapporter. La norme exerce un important effet dissuasif et contribue de manière déterminante à la préservation de l’État de droit.
Références bibliographiques
- Fischer, Thomas : Strafgesetzbuch und Nebengesetze, Kommentar, § 339 StGB.
- Schönke/Schröder : Kommentar zum StGB, § 339 StGB.
- Tröndle/Fischer : Strafgesetzbuch und Nebengesetze.
Voir aussi
- Arrêt inique
- Manquement aux devoirs de service
- Manquement au devoir de fonction
Cet article expose de manière exhaustive les conditions, la configuration et la portée du déni de justice en droit pénal allemand et offre un aperçu détaillé des éléments constitutifs, des conséquences juridiques et des distinctions.
Questions fréquemment posées
Dans quelles situations une accusation de déni de justice peut-elle être envisagée ?
Une poursuite pour déni de justice intervient typiquement dans les cas où un juge, un autre titulaire de charge publique ou un arbitre fausse sciemment et de manière significative le droit au profit ou au détriment d’une partie. Cela doit survenir dans le cadre d’une fonction juridictionnelle, c’est-à-dire lors du prononcé d’un jugement ou de décisions comparables. Une simple application erronée du droit ou une erreur ne suffit pas pour une accusation ; l’élément décisif est l’acte volontaire accompli en connaissance de cause de la violation du droit applicable. À titre d’exemples pratiques, figurent notamment l’évaluation délibérément erronée des preuves, l’adhésion volontaire à des influences étrangères au dossier dans le processus décisionnel, ou la dissimulation consciente de faits juridiques pertinents. Sont également visés les manquements dans la fixation de la peine ou dans le choix des mesures, dès lors qu’ils résultent d’une violation arbitraire et consciente du droit.
Qui peut être poursuivi pénalement pour déni de justice ?
Selon l’article 339 du StGB, seuls les titulaires de charges publiques investis de fonctions juridictionnelles peuvent être poursuivis pour déni de justice. Il s’agit principalement de juges professionnels ou non professionnels, d’assesseurs, de jurés ou d’arbitres, à condition qu’ils soient habilités à statuer de manière contraignante sur des litiges. Sont également concernés les notaires et autres personnes exerçant, à titre de représentant ou de mandataire, des fonctions juridictionnelles, pour autant qu’elles disposent, au cas par cas, de pouvoirs judiciaires. Les fonctionnaires, leurs assistants et les agents administratifs ne sont couverts que lorsqu’ils agissent dans le cadre de fonctions juridictionnelles souveraines. Les représentants des parties, les avocats ou de simples fonctionnaires administratifs sans compétence judiciaire n’entrent en principe pas dans le champ d’application de l’article 339 du StGB.
Quand y a-t-il effectivement « déni de justice » au sens du Code pénal ?
Un « déni de justice » au sens de l’article 339 du StGB suppose que le titulaire de charge publique, lors de sa décision judiciaire, viole de manière objectivement substantielle la loi applicable au détriment d’une partie, de façon volontaire et consciente. Il ne suffit ni d’un simple abus de l’appréciation, ni d’une interprétation discutable ou d’une erreur de droit. En pratique, il faut une violation manifeste du droit, s’écartant clairement de la « voie prescrite par la loi ». Le critère est de savoir si un juge raisonnable et consciencieux n’aurait jamais ainsi agi. Le seuil du déni de justice est donc élevé : seule une violation grave et intentionnelle du droit justifie une sanction pénale.
Comment le déni de justice se distingue-t-il d’autres manquements ou infractions ?
Le déni de justice doit être distingué d’autres manquements professionnels ou infractions tels qu’une violation du droit par négligence, un abus de droit ou un simple mauvais conseil. Ainsi, un manquement peut déjà être constitué en cas de violation des devoirs, tandis que le déni de justice exige une intention de commettre une violation grave du droit. Contrairement à des infractions telles que la falsification de documents ou l’entrave à la justice dans l’exercice de la fonction, la gravité du déni de justice réside spécialement dans la volonté délibérée et la violation fondamentale de l’indépendance et de l’objectivité judiciaires. Il faut également distinguer le déni de justice d’erreurs de jugement fondées sur une marge d’interprétation ou une application erronée du droit, car celui-ci requiert un acte conscient à l’encontre du droit et de la loi.
Comment l’élément subjectif de l’intention est-il prouvé en cas de déni de justice ?
L’élément subjectif d’intention exige que l’auteur agisse sciemment et délibérément, c’est-à-dire qu’il commette volontairement un déni de justice en ayant conscience du caractère illégal de son acte et, à tout le moins, en acceptant ce risque. Une simple erreur sur la situation juridique ou une application fautive du droit ne suffit pas pour admettre l’intention. L’intention doit porter à la fois sur la violation du droit et sur l’avantage ou désavantage recherché pour une partie. La preuve se fait généralement par une appréciation globale de toutes les circonstances, en particulier la motivation de la décision, la conduite de la procédure et d’éventuelles déclarations explicites dans le dossier ou lors de l’audience.
Quelles peines encourt-on en cas de condamnation pour déni de justice ?
En cas de condamnation pour déni de justice, l’article 339 du StGB prévoit obligatoirement une peine privative de liberté d’un à cinq ans. Une peine moindre ou une simple amende est exclue par la loi. La peine peut entraîner la perte de façon permanente du droit d’exercer des fonctions judiciaires ; en outre, des conséquences disciplinaires, telles que la révocation, la perte de la pension ou l’exclusion de la fonction publique, sont possibles. Des demandes civiles en réparation émanant des parties lésées peuvent également en découler.
Existe-t-il des cas où le déni de justice n’est pas retenu même si la décision s’avère erronée ?
Même dans les situations où une décision judiciaire apparaît inexacte, injuste ou manifestement erronée, le déni de justice n’est pas automatiquement admis. Il est déterminant qu’il y ait un écart volontaire et grave par rapport au droit. Les décisions d’appréciation raisonnables, les questions d’interprétation ou même les graves erreurs de droit ne suffisent pas, pourvu que le juge ait examiné de bonne foi la situation juridique applicable. Le seuil de la culpabilité pénale n’est franchi que lorsque la décision est prise en totale absence de fondement juridique et que le caractère intentionnel de la violation du droit est avéré. Le doute profite au titulaire de la charge publique ; la charge de la preuve de l’intention et de la gravité de la violation incombe à l’accusation.