Lexique juridique

Corona-Bonds

Définition et principes fondamentaux des Corona-Bonds

Les Corona-Bonds désignent une forme particulière d’obligations, discutée comme titres de créance communs à l’échelle européenne dans le contexte de la pandémie de coronavirus. Le concept visait à permettre une dette commune des États européens pour faire face aux conséquences économiques de la crise du COVID-19. Ces titres devaient apporter une contribution essentielle au financement de mesures de relance, au maintien de la stabilité économique au sein de l’Union européenne (UE) et à la prévention d’une fragmentation du marché intérieur européen.

Contexte juridique

Fondements en droit européen

Les Corona-Bonds concernent des domaines essentiels du droit européen, notamment le droit de l’Union économique et monétaire européenne. En tant qu’obligations d’État mutualisées, le concept touche aux articles 125 et 136 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) :

  • Article 125 TFUE contient la soi-disant clause « No-Bailout », qui exclut en principe toute responsabilité financière mutuelle entre les États membres.
  • Article 136 TFUE permet aux États de la zone euro d’adopter des mesures de coordination plus étroites, par exemple pour améliorer la discipline budgétaire.

Un thème central du débat juridique concernait la compatibilité de l’émission de Corona-Bonds avec ces dispositions et la nécessité éventuelle de modifications des traités.

Ordres juridiques nationaux

En cas d’émission de Corona-Bonds, des exigences nationales d’approbation auraient également été concernées. En Allemagne, par exemple, le Bundestag aurait dû approuver la participation à ces obligations communes, car cela touche au droit budgétaire et à l’autonomie budgétaire du Parlement.

Fonctionnement prévu des Corona-Bonds

Les Corona-Bonds auraient pu être émis par une institution européenne – par exemple la Banque européenne d’investissement (BEI) ou une structure ad hoc. Les États membres de la zone euro auraient été conjointement responsables du paiement des intérêts et du remboursement. Les fonds levés auraient été transférés aux États concernés ou à des institutions de l’UE pour le financement de mesures spécifiques de crise.

Différence par rapport aux instruments existants

Avant même la pandémie, des formes d’endettement commun existaient à travers le Mécanisme européen de stabilité (MES) et les obligations de la Banque européenne d’investissement (BEI). Les Corona-Bonds s’en différenciaient toutefois par le fait que les États membres étaient tenus responsables directement et solidairement du remboursement – une nouveauté juridique et fiscale essentielle par rapport aux précédents titres de dette de l’UE.

Défis juridiques et points de controverse

Union de la dette et union fiscale

L’émission de Corona-Bonds aurait juridiquement constitué un pas vers une union fiscale à l’échelle de l’UE. Cela aurait nécessité un élargissement significatif des compétences des institutions européennes et une coopération financière renforcée entre les États membres.

Répartition des responsabilités

Un point central du débat juridique concernait la structuration de la responsabilité. La question principale était de savoir si une responsabilité commune (solidaire) de tous les pays de la zone euro constituait une prise en charge indue de dettes d’autrui. La distinction entre responsabilité proportionnelle et solidaire jouait ici un rôle décisif.

Compatibilité avec les principes de démocratie et de gestion budgétaire

L’émission de Corona-Bonds aurait eu des répercussions sur le droit budgétaire (d’établissement) national et européen. En particulier, le pouvoir budgétaire national – un pilier central de la souveraineté démocratique – aurait été affecté par les titres de créance communs, plaçant les questions de légitimation démocratique et de contrôle au cœur de l’analyse juridique.

Développement et débat dans le contexte européen

Décisions gouvernementales et parlementaires

En 2020, plusieurs États du sud de l’Europe, dont l’Italie et l’Espagne, ont réclamé la mise en place de Corona-Bonds, tandis que des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche se sont opposés à une responsabilité commune. Ce débat a mené, dans le cadre du droit européen, à des négociations intensives au sein du Conseil européen et de l’Eurogroupe.

Instruments alternatifs

À l’issue de discussions juridiques et politiques controversées, le programme « Next Generation EU » et son principal outil, la « Facilité pour la reprise et la résilience » (Recovery and Resilience Facility, RRF), ont été mis en place comme solution alternative. Pour la première fois, la Commission européenne a contracté une dette commune à grande échelle pour ce programme, mais la responsabilité demeure formellement répartie entre les États membres selon leur part respective.

Évaluation juridique et perspectives

Implications pour l’ordre juridique européen

L’émission de Corona-Bonds aurait transformé la nature de l’UE en une entité financière et budgétaire plus intégrée. Leur introduction aurait éventuellement supposé des adaptations des traités fondateurs européens ou, à tout le moins, l’adoption de nouveaux actes juridiques à effet contraignant étendu.

Effet de précédent et évolutions futures

Bien que les Corona-Bonds n’aient pas été mis en œuvre, l’établissement de titres de dette communs pour surmonter la pandémie a fortement dynamisé l’évolution du droit financier de l’UE. De futures crises pourraient ramener au premier plan le débat autour des obligations communes et de leurs bases juridiques.

Liste des références

  • Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), notamment art. 125 et 136
  • Conseil européen, conclusions sur la COVID-19 et les mesures de politique économique 2020
  • Ministère fédéral des Finances : Dette commune européenne – Questions et réponses, 2020
  • Commission européenne : Next Generation EU – Bases juridiques et instruments, 2021

Cette contribution propose une analyse juridique complète des Corona-Bonds dans le contexte de l’UE et offre un aperçu de leurs implications juridiques, défis et de l’évolution des titres de créance européens communs.

Questions fréquemment posées

Quelles sont les bases juridiques de l’introduction de Corona-Bonds au sein de l’Union européenne ?

Les Corona-Bonds constituent une forme particulière d’obligations communes, dont l’introduction au sein de l’Union européenne repose principalement sur l’architecture des traités européens, en particulier le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’article 125 TFUE (la clause dite « No-Bailout ») interdit notamment toute prise en charge des engagements financiers d’un État membre par l’Union ou d’autres États membres. L’introduction d’obligations communes requiert donc une base juridique spécifique, qui devrait être créée par des modifications primaires des traités, des décisions à l’unanimité ou de nouveaux actes juridiques dérivés. Les mécanismes actuels de financement de l’UE, tels que le Mécanisme européen de stabilité (MES) ou le système des ressources propres, n’autorisent jusqu’à présent un endettement commun que de manière limitée et sous des conditions strictes. Toute introduction de Corona-Bonds devrait donc être examinée minutieusement quant à leur compatibilité avec les traités en vigueur et pourrait impliquer la nécessité d’une modification de ces traités.

En quoi l’obligation juridique des États membres en matière de Corona-Bonds diffère-t-elle de celle des obligations souveraines classiques ?

L’obligation juridique des États membres dans le cadre des Corona-Bonds diffère fondamentalement de celle liée à l’émission d’obligations souveraines nationales. Ces dernières sont exclusivement régies par le droit national et garanties par la capacité de paiement de chaque État ; en revanche, les Corona-Bonds seraient émis en commun, entraînant une responsabilité partagée ou tout au moins une vision commune de la responsabilité parmi les États participants. Selon la structuration retenue, les États membres pourraient être engagés solidairement (« responsabilité conjointe et solidaire ») ou proportionnellement. La construction juridique précise détermine la responsabilité en cas de défaut d’un État et a des conséquences immédiates sur les droits budgétaires nationaux, la souveraineté et les principes du droit européen existant. En outre, la mise en œuvre de droits des créanciers devrait s’inscrire dans un système juridique européen transfrontalier, ce qui entraîne une forte complexité juridique.

Quelles seraient les conséquences de l’introduction de Corona-Bonds sur la souveraineté budgétaire des États membres ?

L’introduction de Corona-Bonds affecte considérablement la souveraineté budgétaire des États membres, puisqu’elle s’accompagne d’une mutualisation de la dette et donc d’une perte partielle, au moins, du contrôle souverain sur la gestion budgétaire. Selon les principes constitutionnels de nombreux pays de l’UE, notamment l’Allemagne (art. 109 et suivants GG), le pouvoir budgétaire et la dette d’État relèvent traditionnellement de la seule compétence et du seul contrôle du parlement national. Un système de responsabilité commune via les Corona-Bonds exigerait de nouveaux droits de contrôle et de participation au niveau européen, ce qui pourrait entrer en conflit avec les réserves nationales de souveraineté. Par ailleurs, des contrôles de constitutionnalité, comme ceux exercés par la Cour constitutionnelle fédérale allemande, pourraient être soulevés si des compétences sont transférées à l’UE sans légitimation démocratique suffisante au niveau européen.

Dans quelles conditions les Corona-Bonds pourraient-ils être compatibles avec la clause No-Bailout de l’article 125 TFUE ?

La compatibilité des Corona-Bonds avec la clause No-Bailout est controversée et dépend notamment de la structuration des mécanismes de responsabilité. Selon l’article 125 TFUE, ni l’Union ni un État membre ne peut assumer les engagements financiers d’un autre État. Une violation de cette clause pourrait être constatée si les Corona-Bonds conduisaient à un transfert direct ou indirect de dettes entre États membres. Théoriquement, une construction où le risque de responsabilité serait strictement quantifié et limité, ou assorti de droits de recours explicites, pourrait permettre d’éviter une prise en charge automatique des dettes. De plus, les Corona-Bonds devraient être mis en place uniquement avec l’accord de tous les États concernés et, le cas échéant, après modification du droit primaire. Il existe cependant une marge d’interprétation juridique, en particulier lorsque l’émission des obligations est effectuée par des organes de l’UE dans un but précisément défini et assortie de mécanismes clairs de remboursement.

Quel rôle jouent les cours constitutionnelles nationales dans la mise en œuvre des Corona-Bonds ?

Les Cours constitutionnelles nationales, comme la Cour constitutionnelle fédérale allemande, jouent un rôle central dans la mise en œuvre des Corona-Bonds, car elles vérifient le respect des principes constitutionnels nationaux relatifs à l’autonomie budgétaire, à la réserve parlementaire et au transfert de compétences souveraines. Notamment en Allemagne, les mesures de l’UE ne doivent pas aboutir à une érosion du droit budgétaire du Bundestag ou à une responsabilité incontrôlée. Au regard des précédents jugements portant sur des mécanismes tels que le MES ou la politique de la BCE, il faut présumer que des mécanismes de contrôle complets, la transparence et la participation parlementaire constituent des conditions préalables à la légalité. Dans d’autres États membres, des contrôles similaires pourraient être exigés, ce qui risque de rendre la mise en œuvre des Corona-Bonds considérablement plus complexe.

Quels instruments juridiques dérivés de l’UE pourraient être utilisés pour la mise en œuvre des Corona-Bonds ?

La mise en œuvre des Corona-Bonds pourrait reposer sur divers instruments juridiques dérivés de l’UE, tels que les règlements fondés sur l’article 122 TFUE, les décisions du Conseil ou la création de fonds spécifiques (par exemple la Facilité pour la reprise et la résilience). Une base pourrait également être une convention intergouvernementale dans le cadre de mécanismes spécifiques comme le FESF/MES. Dans tous les cas, il faudrait garantir que l’instrument choisi cadre avec l’ordre des compétences de l’UE et ne soit pas contraire aux traités ni aux constitutions nationales. Il faudrait également tenir compte de la nécessité d’une participation parlementaire au niveau de l’UE et au niveau national, surtout lorsque des droits budgétaires sont en jeu. En pratique, de telles obligations pourraient, par exemple, prendre la forme de crédits contractés par la Commission européenne au nom de l’UE, comme cela a déjà été mis en œuvre dans le cadre du programme « Next Generation EU », qui pourrait servir de précédent.

Comment le contrôle juridique et la protection juridictionnelle en cas de litige relatif aux Corona-Bonds pourraient-ils être organisés ?

Le contrôle juridique et la protection juridictionnelle en cas de litige relatif aux Corona-Bonds devraient être principalement conçus en conformité avec le système juridique européen. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) serait ici principalement compétente pour l’interprétation et le contrôle des traités européens (art. 267, 258 et suivants TFUE). Les juridictions nationales peuvent également saisir la CJUE de questions préjudicielles. Dans le cas d’accords strictement intergouvernementaux, des clauses d’arbitrage ou des tribunaux ad hoc pourraient également être prévus, mais cela pourrait nuire à la sécurité juridique et à la cohérence avec le droit de l’Union. Afin de protéger les intérêts des créanciers, l’intégration de mécanismes tels que les clauses d’action collective (CAC) serait également pertinente pour faciliter des procédures de restructuration ordonnée en cas de crise. La conception précise du mécanisme de protection juridictionnelle serait déterminante pour l’acceptation et la fonctionnalité des Corona-Bonds tant sur les marchés financiers que sur le plan politique.