Contrôles indépendants de tout soupçon
Définition du terme et qualification juridique
Les contrôles indépendants de tout soupçon désignent des mesures de contrôle mises en œuvre par l’État sans qu’il existe un soupçon concret dirigé contre une personne déterminée. Ils servent à la prévention des dangers, au maintien de la sécurité publique ainsi qu’à la prévention ou à la détection d’infractions pénales ou administratives. Contrairement aux contrôles justifiés par un motif précis, qui exigent un indice concret de suspicion, les contrôles indépendants de tout soupçon reposent uniquement sur les bases légales générales.
Les fondements juridiques de tels contrôles se trouvent dans différentes lois au niveau fédéral et régional. Une importance particulière revient notamment à la loi sur la police des différents Länder, à la loi sur la police fédérale (BPolG), à la loi sur les services d’enquête douanière (ZFdG) ainsi qu’à la loi sur le séjour des étrangers (AufenthG). Dans le contexte du code de la route (StVO) et d’autres réglementations spéciales, des contrôles indépendants de tout soupçon sont également réalisés.
Bases légales
Loi sur la police fédérale (BPolG)
Un fondement juridique central est constitué par l’article 22 alinéa 1a BPolG. Cette disposition autorise la police fédérale, dans la zone frontalière jusqu’à une distance de 30 kilomètres de la frontière avec d’autres États ainsi qu’au sein d’infrastructures ferroviaires d’importance, à contrôler des personnes afin d’empêcher l’entrée illégale ou d’élucider ou prévenir des infractions liées au franchissement de la frontière. Pour de tels contrôles, aucun soupçon concret n’est requis ; l’autorisation légale suffit.
Lois sur la police des Länder
Les lois policières des différents Länder contiennent également des dispositions sur les contrôles indépendants de tout soupçon. Par exemple, l’article 12a de la Loi sur la police et l’ordre public de Basse-Saxe (NPOG) autorise, à certains endroits ou à certaines périodes, des contrôles indépendants de tout soupçon à des fins de prévention des dangers et des infractions.
Loi sur les services d’enquête douanière (ZFdG)
Pour les services de douane, l’article 10 ZFdG prévoit la possibilité d’effectuer des contrôles sans soupçon concret, notamment pour lutter contre le travail dissimulé ou la fraude fiscale. Cela inclut tant des contrôles sur les aires d’autoroute que des contrôles ponctuels de véhicules dans le cadre de missions de police douanière.
Loi sur le séjour des étrangers (AufenthG)
Selon l’article 71 alinéa 1 phrase 1 AufenthG, les autorités sont autorisées à effectuer des contrôles indépendants de tout soupçon afin de surveiller le respect des dispositions en matière de séjour, notamment lors de contrôles chez les employeurs pour vérifier l’emploi des étrangers.
Conditions et limites
Exigences de l’État de droit
La mise en œuvre de contrôles indépendants de tout soupçon est soumise à la réserve de la loi. Cela signifie qu’une base légale suffisamment claire et déterminée est nécessaire. Il importe que le législateur limite suffisamment les atteintes aux droits fondamentaux, en particulier le droit général de la personnalité issu de l’article 2 alinéa 1 en liaison avec l’article 1 alinéa 1 GG, ainsi que le droit à l’autodétermination informationnelle, et qu’il exerce ces atteintes de manière proportionnée.
Principe de proportionnalité
Chaque mesure doit respecter le principe de proportionnalité. Cela signifie qu’elle doit être appropriée, nécessaire et adéquate pour atteindre l’objectif fixé par la loi. Les contrôles ne doivent pas être effectués de manière généralisée ou arbitraire, mais uniquement dans un cadre défini, par exemple dans des zones de criminalité connues, à proximité des frontières ou lors de situations particulières de prévention.
Principe de la précision de la loi
Les bases juridiques pertinentes doivent être formulées de façon telle que des critères clairs et reconnaissables soient fournis tant pour les personnes concernées que pour les autorités, précisant quand et dans quelle mesure des contrôles peuvent être effectués. Des règles insuffisamment précises pourraient contrevenir à l’obligation de précision de l’article 20 alinéa 3 GG.
Protection des droits fondamentaux et restriction des libertés
Les contrôles indépendants de tout soupçon constituent des atteintes importantes aux droits fondamentaux. Sont notamment concernés la liberté individuelle (art. 2 alinéa 2 GG), le droit à la liberté de circulation (art. 11 GG) ainsi que le principe d’égalité (art. 3 GG).
Jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale
La Cour constitutionnelle fédérale (BVerfG) a reconnu la licéité des contrôles indépendants de tout soupçon, à condition qu’ils soient réglementés de façon claire et mis en œuvre de manière proportionnée (BVerfGE 115, 320 ainsi que BVerfG, arrêt du 18 avril 2023 – 1 BvR 1183/17). Les juridictions accordent une attention particulière au fait que ces mesures ne doivent pas être appliquées de manière généralisée, permanente ou discriminatoire.
Interdiction de discrimination
Selon l’article 3 GG, la sélection des personnes à contrôler sur la base de critères racistes, ethniques ou autres critères discriminants est juridiquement illicite (« profilage racial »). La pratique du contrôle doit être juridiquement et objectivement justifiée.
Domaines d’application typiques
Police ferroviaire et de contrôle aux frontières
De nombreux contrôles indépendants de tout soupçon ont lieu dans le domaine de la police ferroviaire et de la police des frontières. Ils visent à sécuriser les frontières extérieures, à prévenir la migration irrégulière et la contrebande transfrontalière.
Circulation routière
Les autorités de la circulation routière effectuent également des contrôles indépendants de tout soupçon, par exemple pour vérifier l’aptitude à la conduite dans le cadre de ce que l’on appelle des contrôles routiers généraux selon l’article 36 StVO.
Protection du travail et douanes
Dans le domaine de la protection du travail et de la lutte contre l’emploi illégal, les autorités douanières et de contrôle effectuent également des contrôles indépendants de tout soupçon, afin de lutter notamment contre le travail dissimulé.
Conséquences juridiques en cas de refus de coopération
Quiconque s’oppose à un contrôle indépendant de tout soupçon régulièrement ordonné, s’expose à des amendes administratives, des sanctions pécuniaires ou – dans certains cas – à des mesures d’exécution directe. La légalité de l’atteinte individuelle peut en principe faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
Controverses et critiques
Les organisations de défense des droits humains et les délégués à la protection des données critiquent notamment la tendance à l’extension de la pratique des contrôles indépendants de tout soupçon, car ceux-ci comportent un risque d’arbitraire étatique et de discrimination. Le débat porte sur le respect du principe de proportionnalité et la protection contre des atteintes injustifiées aux droits fondamentaux.
Résumé
Les contrôles indépendants de tout soupçon sont des mesures de contrôle réglementées par la loi sans nécessité d’un soupçon concret à l’encontre d’une personne. Ils doivent s’appuyer sur des bases légales strictes et le principe de proportionnalité, car ils constituent des ingérences majeures dans les droits fondamentaux d’un État de droit et la liberté individuelle. L’accent est mis en permanence sur l’application juridiquement sûre et sans discrimination ainsi que sur le contrôle juridictionnel des mesures. Malgré les critiques existantes, les contrôles indépendants de tout soupçon constituent un élément établi de l’architecture de sécurité allemande, dont l’application et les limites sont essentiellement déterminées par la loi et la jurisprudence.
Questions fréquentes
Quelles sont les bases légales qui régissent les contrôles indépendants de tout soupçon en Allemagne ?
Les contrôles indépendants de tout soupçon en Allemagne sont principalement régis par la loi sur la police fédérale (BPolG), en particulier les articles 22 et 23 BPolG. La loi sur le séjour (§ 48 AufenthG) ainsi que, partiellement, les lois policières des Länder contiennent également des fondements d’habilitation correspondants. À la frontière, notamment aux frontières intérieures de Schengen et dans les zones proches des frontières (jusqu’à 30 km de la frontière), les policiers peuvent contrôler des personnes sans soupçon initial concret. L’objectif est principalement de prévenir et lutter contre la migration illégale ainsi que la criminalité transfrontalière. Les mesures sont toutefois soumises au principe de proportionnalité et à une vérification de la nécessité. De plus, une base légale suffisamment claire doit exister et le contrôle doit être effectué de manière transparente et non arbitraire. Par ailleurs, les dispositions européennes, notamment le Code frontières Schengen, influencent l’interprétation juridique nationale.
Quels sont les droits des personnes concernées lors d’un contrôle indépendant de tout soupçon ?
Les personnes faisant l’objet d’un contrôle indépendant de tout soupçon disposent de divers droits issus de la Loi fondamentale, en particulier du droit général de la personnalité (art. 2 al. 1 en liaison avec l’art 1 al. 1 GG), ainsi que des dispositions légales spécifiques. Cela inclut le droit d’être informé sur le motif du contrôle et d’obtenir l’identité des agents chargés du contrôle. Par ailleurs, les mesures ne peuvent être menées que dans la mesure où elles sont nécessaires à la constatation de l’identité ou à l’objectif du contrôle. Les personnes concernées disposent du droit de ne pas s’auto-incriminer (nemo tenetur). En outre, lors de mesures telles qu’une fouille, la présence de témoins peut être requise (§ 104 StPO appliqué en conséquence). En cas de contrôle excessif ou discriminatoire, il est possible d’introduire ultérieurement un recours administratif ou une réclamation hiérarchique.
Comment un contrôle indépendant de tout soupçon se distingue-t-il d’un contrôle lié à un soupçon ?
Un contrôle fondé sur le soupçon nécessite un soupçon initial concret d’une infraction ou d’une contravention qui justifie la mesure. Les fondements juridiques sont essentiellement l’article 163b StPO (vérification d’identité) ou l’article 102 StPO (fouille sur soupçon). À l’inverse, un contrôle indépendant de tout soupçon repose exclusivement sur l’habilitation légale, sans soupçon spécifique visant la personne concernée. Le contrôle indépendant de tout soupçon poursuit souvent une finalité préventive et a généralement lieu en certains lieux (par ex. secteur frontalier, gares, aéroports). La légalité est en principe subordonnée à une base légale suffisante et proportionnée, tandis que les contrôles fondés sur un soupçon sont déclenchés par une situation concrète ou le comportement de la personne.
Quels tribunaux ont statué jusqu’à présent sur la licéité des contrôles indépendants de tout soupçon ?
La légalité des contrôles indépendants de tout soupçon a été à plusieurs reprises soumise à l’appréciation des tribunaux administratifs ainsi que de la Cour constitutionnelle fédérale. L’arrêt du 04 avril 2006 (1 BvR 518/02) de la Cour constitutionnelle fédérale est particulièrement pertinent, dans lequel la BPolG a été jugée en principe conforme à la Constitution dans le contexte des contrôles d’identité indépendants de tout soupçon, à condition qu’il existe une réglementation claire et un contrôle effectif de la proportionnalité. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est également prononcée sur les aspects de discrimination dans le contexte des contrôles d’identité, soulignant que les mesures policières ne doivent pas être fondées sur des caractéristiques extérieures telles que la couleur de peau. Par ailleurs, les cours administratives supérieures ainsi que la Cour administrative fédérale sont régulièrement saisies de décisions individuelles relatives à l’interprétation et à la limitation du pouvoir discrétionnaire de la police.
Existe-t-il des restrictions à l’égard du principe d’égalité concernant les contrôles indépendants de tout soupçon ?
Oui, les mesures policières dans le cadre des contrôles indépendants de tout soupçon sont soumises aux exigences de l’article 3 GG (principe d’égalité). La sélection des personnes à contrôler ne doit pas être arbitraire ni se fonder uniquement sur des caractéristiques extérieures telles que la couleur de peau ou l’origine supposée (mot-clé : profilage racial). Cela a été clarifié par des arrêts de tribunaux administratifs et constitutionnels. La police doit appliquer des critères objectifs et documenter ainsi qu’évaluer régulièrement l’utilisation afin d’éviter toute discrimination. La loi sur la police fédérale prévoit expressément que les contrôles ne doivent entraîner aucune discrimination et que tout soupçon d’arbitraire doit être évité. Le contrôle ultérieur des mesures fait partie intégrante du contrôle juridique.
Quels recours sont disponibles contre un contrôle indépendant de tout soupçon ?
Les personnes concernées disposent de différents moyens pour se défendre contre des contrôles indépendants de tout soupçon illégaux. Contre la mesure elle-même, un recours administratif ou une réclamation hiérarchique peut être introduit en cas de mise en œuvre disproportionnée. Après la fin du contrôle, il est possible d’introduire une action en constatation de l’illégalité de la vérification d’identité ou d’éventuelles mesures de contrainte devant le tribunal administratif conformément à l’art. 113 alinéa 1 phrase 4 VwGO (« action en constatation de la continuation »). Il est exigé que l’atteinte soit déjà terminée et qu’un risque de répétition ou un intérêt à la réhabilitation subsiste. En cas de violation alléguée de droits fondamentaux, en particulier du droit à l’égalité ou du droit à l’autodétermination informationnelle, un recours constitutionnel peut également être porté devant la Cour constitutionnelle fédérale.
Existe-t-il des obligations légales de documentation concernant les contrôles indépendants de tout soupçon ?
Les équipes policières sont tenues de documenter de manière exhaustive chaque contrôle indépendant de tout soupçon. Cela découle des dispositions légales fédérales et régionales ainsi que de directives internes à la police. La documentation sert à l’examen a posteriori, à la conservation des preuves et, le cas échéant, au contrôle juridictionnel. Elle comprend en général des indications sur le lieu, l’heure, l’objectif, les agents impliqués, les personnes contrôlées et le déroulement de la mesure. La qualité et le détail de cette obligation documentaire varient selon le Land et le domaine d’intervention, mais répondent toujours au principe de transparence administrative et garantissent la protection des droits des personnes concernées, notamment en cas de plainte ou de procédure judiciaire a posteriori.
Dans quelle mesure les contrôles indépendants de tout soupçon sont-ils compatibles avec la protection des données personnelles ?
La mise en œuvre de contrôles indépendants de tout soupçon et la collecte de données personnelles qui en résulte sont soumises aux exigences du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi fédérale sur la protection des données (BDSG) ainsi qu’aux lois des Länder en la matière. Les données collectées doivent être conservées et traitées exclusivement dans le but prévu par la loi. Après la fin du contrôle et l’accomplissement de son objectif, elles doivent en principe être supprimées, sauf obligation de conservation légale contraire. Les personnes concernées disposent d’un large droit d’accès aux données les concernant et peuvent en exiger la rectification ou la suppression. Les violations des obligations en matière de protection des données peuvent entraîner des sanctions et ouvrir par ailleurs droit à des demandes de réparation selon le RGPD.