Notion de concentration en économie
Définition et principes fondamentaux
La concentration en économie désigne la fusion ou la collaboration de plusieurs entreprises, qui modifie durablement la répartition du pouvoir économique sur un marché. L’objectif d’une concentration est souvent de réaliser des avantages concurrentiels, par exemple en gagnant des parts de marché, en obtenant des effets de rationalisation ou en exploitant des synergies. Les processus de concentration peuvent alors prendre des formes horizontales, verticales ou conglomérales.
Une concentration économique peut revêtir différentes formes, notamment les fusions, acquisitions d’entreprises, participations, coopérations et entreprises communes (joint-ventures). Le terme de concentration est principalement façonné par le droit des cartels ainsi que le droit de la concurrence et est étroitement lié au contrôle du pouvoir de marché et à ses effets sur la concurrence.
Distinction par rapport à des notions proches
La concentration se distingue nettement de la coopération en économie. Alors que les coopérations visent une collaboration limitée entre entreprises, la concentration poursuit une unification nettement plus avancée et durable des stratégies de marché ou des structures d’entreprise.
Fondements juridiques de la concentration économique
Droit national : Le droit allemand des cartels
Le principal système de règles pour le contrôle des concentrations économiques en Allemagne est la loi contre les restrictions de concurrence (GWB). En particulier, les dispositions relatives au contrôle des fusions (§§ 35 sqq. GWB) jouent un rôle central. La mission du contrôle des fusions est de surveiller les rapprochements d’entreprises et de les empêcher s’ils sont susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective.
Faits caractérisant une opération de concentration
Selon § 37 GWB, il y a concentration lorsque des entreprises
- fusionnent,
- acquièrent la possibilité d’exercer une influence déterminante sur une autre entreprise ou
- acquièrent des parts assorties d’une minorité de blocage.
La création d’une coentreprise peut également constituer une opération de concentration, à condition que cette entité exerce des activités de marché indépendantes.
Obligations de déclaration et d’examen
- Notification : Les concentrations doivent être notifiées auprès du Bundeskartellamt lorsque les seuils de chiffre d’affaires légaux sont dépassés.
- Contrôle : Le Bundeskartellamt examine alors si la concentration envisagée crée ou renforce une position dominante sur le marché.
- Interdiction : L’autorité a la possibilité d’interdire une concentration si des effets négatifs pour la concurrence sont à prévoir (§ 36 GWB).
- Autorisation et conditions : Le Bundeskartellamt peut également autoriser des concentrations ou les soumettre à des conditions et obligations.
Droit européen : Le contrôle des fusions de l’UE
Le règlement relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (Règlement CE n° 139/2004, également appelé règlement sur le contrôle des concentrations, RCC) constitue la base de l’évaluation des concentrations à l’échelle européenne. Il s’applique lorsque les entreprises concernées atteignent un certain seuil de chiffre d’affaires à l’échelle de la communauté.
Compétence et procédure
- Commission européenne : Responsable de l’examen des grandes concentrations transfrontalières.
- Procédure d’examen unique : La Commission examine s’il faut s’attendre à une entrave significative à la concurrence sur le marché intérieur.
- Décisions : La Commission peut autoriser les concentrations, les soumettre à des conditions ou les interdire.
Évolution du droit international
Au-delà des régimes nationaux et européens, il existe également des évolutions internationales. De nombreux États disposent de leurs propres systèmes de contrôle des fusions. Parallèlement, des mesures de coordination internationale sont de plus en plus mises en œuvre pour éviter les distorsions de concurrence sur un marché mondialisé. Des organisations comme l’International Competition Network (ICN) favorisent l’échange et l’harmonisation des pratiques de contrôle des concentrations dans le monde entier.
Formes de manifestation de la concentration économique
Concentration horizontale
Description des concentrations d’entreprises opérant au même niveau du marché (par ex. fusion de deux chaînes alimentaires). L’objectif est en général d’augmenter les parts de marché ou de rationaliser les structures concurrentielles.
Concentration verticale
Les concentrations verticales concernent des entreprises de différents stades de la chaîne de valeur, par exemple l’acquisition d’un fournisseur par un fabricant. Cette forme peut conduire à une fermeture de certains marchés et pose des défis particuliers au contrôle des fusions.
Concentration diagonale (conglomérale)
Les concentrations conglomérales regroupent des entreprises de marchés différents ou complémentaires. Elles sont souvent motivées par une volonté de diversification des entreprises participantes et sont généralement considérées comme moins problématiques par les autorités de la concurrence.
Effets et conséquences juridiques des concentrations
Contrôle et sanctions
Si une concentration est réalisée sans l’autorisation requise (appelé « Gun Jumping »), des sanctions sévères peuvent être prononcées. En Allemagne, le Bundeskartellamt peut ordonner la dissolution a posteriori et infliger des amendes (§ 39 GWB). Au niveau européen, l’art. 14 RCC prévoit également d’importantes sanctions pécuniaires.
Cas d’exception et dispositions spéciales
Le GWB contient des règles spécifiques pour certains marchés (par ex. médias, énergie), dans lesquels des mécanismes de contrôle supplémentaires existent en raison d’intérêts sociétaux. Des exceptions sont également possibles, par exemple lorsque les concentrations servent à préserver des emplois ou en cas d’insolvabilité imminente.
Participation de tiers et droit de recours
Des tiers, comme des concurrents ou des organisations de consommateurs, peuvent dans certaines conditions prendre part à la procédure de contrôle des concentrations ou déposer des objections. Cela contribue à la transparence et à la prise en compte d’intérêts variés.
Influence du contrôle des concentrations sur la structure du marché
Le contrôle juridique des concentrations vise à protéger la concurrence, principe fondamental de l’économie sociale de marché. L’objectif est d’empêcher la création de positions dominantes, susceptibles d’entraîner des désavantages pour les consommateurs ou d’autres acteurs du marché. Dans le même temps, les interventions réglementaires doivent rester proportionnées afin de ne pas entraver l’innovation entrepreneuriale ou les gains d’efficacité.
Résumé
Les concentrations économiques sont strictement réglementées afin d’éviter la création de structures dominantes et de protéger la concurrence. Les droits de la concurrence, au niveau national et européen, prévoient des obligations strictes et des mécanismes de contrôle pour les opérations de fusion. Les entreprises doivent analyser en détail les exigences juridiques avant toute coopération relevant d’une concentration économique, afin d’éviter des infractions et des sanctions éventuelles. Le contrôle des fusions demeure ainsi un instrument central garantissant des structures de marché équitables et ouvertes.
Questions fréquemment posées
Quelles sont les conditions juridiques à remplir pour notifier une concentration économique selon le droit de la concurrence européen ?
Selon le règlement relatif au contrôle des concentrations (Règlement CE n° 139/2004) de l’Union européenne, une concentration économique doit être notifiée lorsque certains seuils de chiffre d’affaires sont atteints. Plus précisément, les entreprises ont l’obligation de notifier lorsque le chiffre d’affaires total mondial de toutes les parties concernées dépasse 5 milliards d’euros et que le chiffre d’affaires réalisé au sein de l’UE par au moins deux des entreprises concernées dépasse 250 millions d’euros chacune. Toutefois, si plus des deux tiers du chiffre d’affaires de toutes les entreprises concernées dans l’UE sont réalisés dans un seul et même État membre, l’autorité nationale de la concurrence est en principe compétente. Sont également soumises à l’obligation de notification les opérations entraînant un changement durable du contrôle, par exemple par l’acquisition de la majorité des droits de vote, du capital ou suite à des accords permettant une influence déterminante. L’omission d’une notification régulière peut déjà entraîner d’importantes amendes et l’annulation de l’opération de concentration.
Dans quelle mesure une concentration économique peut-elle être interdite au regard du droit des cartels ?
Une concentration économique peut être interdite dès lors qu’elle est susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective, en particulier par la création ou le renforcement d’une position dominante. Dans le cadre du droit européen, cette évaluation repose principalement sur la délimitation du marché, les parts de marché, les barrières à l’entrée ainsi que les ressources économiques et financières des entreprises concernées. Par ailleurs, les concentrations horizontales (entre concurrents directs), verticales (entre fabricants et fournisseurs) et conglomérales (entre entreprises non directement concurrentes) sont jugées différemment. La Commission européenne met en balance lors de sa décision les éventuels inconvénients concurrentiels (par ex. hausse des prix, moins d’innovation) avec les gains d’efficience, mais en cas de préoccupations sérieuses, elle peut imposer des conditions (appelées « remedies ») ou interdire totalement la concentration.
Quel rôle jouent les autorités nationales de concurrence dans l’examen des concentrations ?
Les autorités nationales de concurrence, comme le Bundeskartellamt en Allemagne, sont compétentes lorsque les seuils spécifiques prévus par le droit national sont atteints ou que la concentration n’a pas de portée au niveau de l’UE. Ces autorités examinent les fusions de façon indépendante selon le droit national de la concurrence, notamment selon la loi contre les restrictions de concurrence (GWB) en Allemagne. Dans certains cas, la Commission européenne peut renvoyer des affaires aux autorités nationales ou inversement ; un tel mécanisme est prévu par les règles européennes en matière de contrôle des concentrations (renvoi selon les articles 4, 9 et 22 du règlement sur le contrôle des concentrations). Les autorités nationales peuvent également examiner des concentrations situées en dessous des seuils de l’UE mais ayant un impact significatif sur la concurrence du marché national.
Quels délais s’appliquent, sur le plan juridique, pour la notification et l’examen d’une concentration ?
La notification d’une concentration doit avoir lieu avant la réalisation de la fusion (« effet suspensif ») ; c’est ce qu’on appelle « l’interdiction de réalisation ». Dès réception d’une notification complète, l’autorité de concurrence compétente dispose généralement d’un premier délai d’examen (phase I) qui, pour la Commission européenne, est de 25 jours ouvrés. Si aucun examen approfondi n’est requis dans ce délai, la concentration peut être approuvée. Sinon, l’enquête principale (phase II) commence, avec un délai supplémentaire de 90 jours ouvrés, qui peut être prolongé dans certains cas exceptionnels. Ces délais sont stricts et le non-respect peut entraîner des conséquences juridiques importantes pour les entreprises concernées, y compris des amendes ou l’invalidité de l’opération.
Quelles exigences juridiques particulières s’appliquent aux fusions dans le secteur financier ?
Les concentrations dans le secteur financier sont, en plus des règles générales du droit de la concurrence, souvent soumises à des exigences spécifiques. Par exemple, l’acquisition de participations significatives dans des banques ou des assurances nécessite en général une autorisation distincte des autorités de tutelle compétentes, comme la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin) en Allemagne. Celle-ci examine, outre la compatibilité concurrentielle, la fiabilité et la solidité financière de l’acquéreur, la lutte contre le blanchiment d’argent ainsi que la bonne gestion des affaires. En outre, des seuils et des obligations de déclaration spécifiques au secteur existent en plus du contrôle général des fusions.
Quelles sanctions sont encourues en cas de violation des obligations relatives au contrôle des fusions ?
En cas de violation des obligations de contrôle des fusions – notamment en cas de non-respect de l’interdiction de réalisation ou d’omission de la déclaration en dépit d’une obligation –, d’importantes sanctions sont encourues. Tant au niveau européen que national, de lourdes amendes peuvent être infligées, généralement calculées en fonction du chiffre d’affaires des entreprises concernées. La Commission européenne peut imposer des amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise concernée. Outre la sanction financière, il existe un risque que la fusion doive être annulée, ce qui peut avoir d’importantes conséquences économiques et organisationnelles en pratique. En outre, dans les cas les plus graves, la perte de réputation et d’autres sanctions civiles ou pénales peuvent s’ajouter.