Notion et définition : comportement parallèle de fait
Le comportement parallèle de fait désigne, en droit de la concurrence, le comportement similaire de plusieurs entreprises sur un marché, sans qu’il n’existe pour cela un accord exprès ou tacite. Un exemple typique est l’augmentation ou la diminution simultanée des prix par plusieurs fournisseurs des mêmes biens ou services. Ce phénomène est notamment étudié en droit des cartels et dans la surveillance des abus, car il peut, à première vue, sembler constituer un comportement illicite au regard du droit des cartels, sans toutefois être en principe jugé illégal en soi.
Distinction avec d’autres notions du droit des cartels
Accord illicite et pratiques concertées en droit des cartels
Une distinction claire est nécessaire entre le comportement parallèle de fait et les pratiques convenues ou concertées (§ 1 GWB; art. 101 TFUE). Tandis que ces dernières nécessitent un consensus – c’est-à-dire une coordination délibérée – le comportement parallèle de fait repose uniquement sur des entreprises indépendantes agissant de manière identique en raison de conditions de marché ou de contraintes économiques similaires, sans qu’il y ait eu d’échange d’informations ou de coordination entre elles.
Harmonisation fortuite et structure d’oligopole
Le comportement parallèle de fait apparaît particulièrement souvent dans des structures d’oligopole où quelques entreprises dominent le marché (voir oligopole). Contrairement à un accord illicite au regard du droit des cartels, l’uniformisation de la concurrence dans le comportement parallèle de fait découle uniquement de facteurs de marché externes, tels que la transparence et la symétrie des marchés.
Fondements juridiques et appréciation légale
Fondements juridiques en droit allemand et européen
Le droit antitrust allemand (§§ 1 ss. GWB – Loi contre les restrictions à la concurrence) ainsi que le droit européen de la concurrence (notamment les art. 101 et 102 TFUE) placent les accords, décisions et pratiques concertées sous un soupçon général d’abus. Toutefois, le comportement parallèle de fait échappe en général à ces dispositions, puisque les éléments de coordination nécessaires à la qualification du comportement font défaut.
Exigences de preuve en matière de procédures antitrust
Pour établir une infraction au droit de la concurrence, il faut prouver au moins une coordination implicite entre les entreprises. Un simple comportement parallèle – même répété et sur une longue période – n’est pas suffisant, selon le droit en vigueur, pour justifier une sanction. Les autorités chargées de l’instruction antitrust (par exemple, le Bundeskartellamt ou la Commission européenne) doivent fournir des indices laissant supposer une transmission d’information ou toute forme consciente de coordination.
Causes économiques et juridiques du comportement parallèle de fait
Transparence des marchés et mécanismes de réaction
Les marchés hautement transparents favorisent des réactions similaires des entreprises face aux évolutions du marché, par exemple concernant les prix des matières premières ou la hausse des coûts. Cela se fait de manière indépendante, car tous les acteurs disposent des mêmes signaux et des mêmes conditions cadre.
Parallélisme lié à la structure du marché
Un autre facteur du comportement parallèle de fait réside dans les structures de marché caractérisées par une faible intensité concurrentielle, comme l’oligopole d’offre. Une domination tarifaire pertinente en est un indicateur, mais ne suffit pas à démontrer un comportement illicite au sens du droit des cartels.
Jurisprudence et exemples pratiques
Cour fédérale de justice et Cour de justice de l’Union européenne
La jurisprudence suprême en Allemagne (par exemple BGH, décision du 26.01.1988 – KVR 1/87) ainsi qu’au niveau européen (notamment affaires Suiker Unie, T-Mobile Netherlands BV) souligne expressément que le comportement parallèle ne peut pas être considéré d’emblée comme anticoncurrentiel. L’intervention des interdictions du droit des cartels n’est possible que s’il existe des indices supplémentaires de coordination du comportement.
Cas pratiques emblématiques
Parmi les secteurs les plus connus dans lesquels un comportement parallèle de fait a été observé figurent notamment le secteur des hydrocarbures, l’industrie du ciment et le commerce de détail. Des interrogations se sont régulièrement posées afin de déterminer si un comportement coordonné ou simplement des facteurs de marché expliquaient l’action synchronisée.
Conséquences et portée pour la surveillance de la concurrence
Limites de l’intervention antitrust
Le comportement parallèle de fait illustre les limites du contrôle antitrust. Un comportement similaire licite, fondé sur la dynamique du marché, ne saurait être sanctionné sans risquer de porter atteinte au principe de la libre concurrence. Les autorités de la concurrence doivent donc faire preuve d’une vigilance particulière dans l’appréciation des indices.
Nécessité de preuves supplémentaires
Une procédure antitrust nécessite toujours la preuve de mesures supplémentaires de coordination ou d’échange d’informations. La simple formation parallèle des prix ne constitue pas une preuve d’infraction au droit de la concurrence.
Conclusion
Le comportement parallèle de fait est un critère de distinction essentiel en droit de la concurrence et se rencontre principalement sur les marchés oligopolistiques. Le simple comportement convergent de plusieurs entreprises est légal tant qu’aucun élément de conspiration supplémentaire n’existe. Ainsi, le comportement parallèle de fait représente un champ d’examen central de la surveillance allemande et européenne des cartels, sans pour autant être d’emblée considéré comme illicite. L’objectif demeure la protection de la libre concurrence tout en tenant compte des réalités économiques du marché.
Questions fréquemment posées
Quelles conséquences juridiques le comportement parallèle de fait peut-il avoir pour les entreprises concernées ?
Le comportement parallèle de fait n’est en principe pas prohibé par le droit des cartels, puisqu’il n’implique pas nécessairement un accord illicite entre entreprises. Sous certaines conditions, les entreprises peuvent adapter leur comportement de marché à celui de leurs concurrents tant qu’il n’y a ni coordination ni entente. Toutefois, les conséquences juridiques peuvent être graves si des autorités telles que le Bundeskartellamt ou la Commission européenne soupçonnent que le comportement parallèle constitue une pratique concertée ou coordonnée. Dans un tel cas, une enquête peut être ouverte pour déterminer s’il y a infraction à l’art. 101 TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) ou à l’art. 1 GWB (Loi contre les restrictions à la concurrence). Si le comportement parallèle résulte d’une entente secrète ou d’autres pratiques coopératives, les entreprises encourent de lourdes amendes, des demandes de dommages et intérêts, voire des sanctions pénales. L’entreprise concernée peut également être contrainte de cesser ses pratiques illicites au regard du droit des cartels et de mettre en place des mesures préventives.
Comment les autorités différencient-elles les réactions de marché légitimes de la formation illégale d’un cartel en cas de comportement parallèle de fait ?
Les autorités analysent le comportement parallèle de fait sur la base de différents indices et moyens de preuve afin de distinguer les réactions de marché licites d’une entente cartel interdite. Les critères décisifs sont notamment l’absence totale de communication ou de coordination entre entreprises, la transparence des conditions de marché, la structure du marché pertinent (les structures oligopolistiques favorisent par exemple le comportement parallèle) et la rationalité économique du comportement. Les réactions légitimes s’appuient généralement sur des informations publiquement disponibles et sont prises dans l’intérêt économique propre, telles que le suivi de signaux tarifaires ou l’évolution des coûts. Dès qu’il existe des indices de coordination consciente – par exemple sous forme de documents internes, d’e-mails ou de procès-verbaux de réunions – cela peut conduire à une requalification du comportement en pratique concertée. La charge de la preuve de l’existence d’une entente prohibée incombe à l’autorité de la concurrence. En cas de doute, les entreprises ne doivent pas être condamnées si le comportement parallèle peut tout aussi bien s’expliquer par des décisions rationnelles liées au marché.
Quelles conditions doivent être réunies pour que le comportement parallèle de fait soit considéré comme non problématique ?
Le comportement parallèle de fait n’est pas problématique juridiquement tant qu’il n’y a eu aucune communication, coordination ni autre forme de concertation entre entreprises concurrentes et que le comportement a été adopté indépendamment. Il est nécessaire que chaque décision entrepreneuriale ait été prise de manière autonome et pour des motifs économiques propres, par exemple pour répondre aux prix du marché, aux évolutions de la demande ou aux coûts de production. Même sur des marchés très transparents et avec peu d’offrants (oligopole), une évolution parallèle des prix ou des conditions est en principe permise, tant qu’il n’existe aucune preuve d’entente. Le comportement ne devient problématique que lorsque des éléments supplémentaires, tels qu’un échange d’informations, des réunions informelles ou des réactions de marché inhabituelles n’expliquant ce comportement que par une coordination, s’ajoutent. Les entreprises devraient documenter leurs processus internes afin de pouvoir justifier, en cas de contrôle, une prise de décision autonome.
Quel rôle joue la preuve d’un accord dans les enquêtes sur le comportement parallèle de fait ?
La preuve d’un accord illicite entre entreprises est l’élément central de l’évaluation antitrust du comportement parallèle de fait. Il incombe en principe à l’autorité de la concurrence compétente de démontrer que le comportement des entreprises ne résulte pas seulement d’une simple observation du marché, mais d’une coordination consciente, même informelle. De simples anomalies dans le comportement du marché ne suffisent pas ; il faut au moins des indices de communication ou d’accord, tels que les procès-verbaux de réunions, les échanges de courriels, les déclarations de parties prenantes ou des coïncidences notables sans explication économique rationnelle. La Bundesgerichtshof (BGH) et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) exigent un minimum de preuves, souvent sous forme d’indices, l’appréciation d’ensemble étant décisive. En l’absence de tels éléments, le comportement parallèle de fait demeure légalement admissible au regard du droit des cartels.
Les entreprises peuvent-elles prendre des mesures préventives pour sécuriser leur position juridique en cas de comportement parallèle de fait ?
Les entreprises peuvent et doivent mettre en place des mesures préventives pour minimiser les risques juridiques liés au comportement parallèle de fait. Un mécanisme de protection essentiel consiste en une documentation interne claire des raisons économiques ayant motivé leurs décisions, de sorte qu’en cas de besoin, il puisse être prouvé que toutes les mesures entrepreneuriales ont été prises de manière autonome, sans aucune entente avec des concurrents. Les programmes de conformité, la formation ciblée des collaborateurs et une politique de communication stricte vis-à-vis de la concurrence contribuent à éviter toute apparence de coordination. En outre, les entreprises – notamment lors de réunions sectorielles, de salons ou d’activités syndicales – doivent s’abstenir de toute communication sur des sujets pertinents pour la concurrence (prix, capacités, répartitions de marché) et l’ancrer dans leurs lignes directrices internes. Il est recommandé d’auditer régulièrement ces mesures, via des contrôles internes ou externes, pour exclure d’éventuelles infractions au droit de la concurrence en amont.
Quelle est l’appréciation du comportement parallèle de fait par la jurisprudence européenne par rapport au droit allemand ?
La jurisprudence européenne sous l’égide de l’art. 101 TFUE s’aligne globalement sur le droit des cartels allemand, tout en posant parfois des exigences plus strictes pour la preuve d’une pratique concertée. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé à plusieurs reprises que le simple comportement parallèle ne saurait constituer une infraction aux règles de la concurrence, sauf en cas de « coordination pratique » ou de « coopération consciente ». Ici aussi, une certaine interaction entre entreprises doit être prouvée, dépassant la simple prise de connaissance du comportement des concurrents. Cependant, d’un point de vue européen, un simple « contact » susceptible d’ôter l’incertitude sur le comportement des concurrents peut suffire pour qualifier une « pratique concertée » prohibée. Ainsi, le seuil pour qualifier un comportement parallèle d’illicite est parfois plus bas qu’en droit allemand, ce qui nécessite une vigilance particulière des entreprises dans le commerce intra-européen.
Quelle est l’importance de la transparence du marché et de l’interdépendance dans le comportement parallèle de fait ?
La transparence du marché et l’interdépendance sont des facteurs clés dans l’analyse du comportement parallèle de fait par le droit des cartels. Sur des marchés très transparents avec peu d’opérateurs, il y a de fortes chances que les entreprises réagissent de la même manière face à des conditions de marché identiques, ce qui peut conduire à des stratégies tarifaires parallèles ou à une politique commerciale similaire, même sans concertation. L’interdépendance désigne ici l’interaction étroite entre les acteurs du marché, particulièrement marquée dans les oligopoles. Malgré ces particularités structurelles, le comportement parallèle demeure juridiquement acceptable, dans la mesure où il résulte exclusivement de l’observation du marché et de l’adaptation rationnelle vis-à-vis des concurrents. Ce n’est qu’en cas de communication ou de coordination ciblée supplémentaire que cela devient problématique. Les autorités de la concurrence analysent donc avec précision si la structure du marché rend plausible le comportement parallèle ou s’il existe des indices de coordination allant au-delà de la norme. Les entreprises doivent avoir conscience de ces réalités et documenter leur comportement ainsi que les processus décisionnels sous-jacents.