Notion et signification de l’entraide administrative européenne
L’entraide administrative européenne désigne la coopération transfrontalière entre les autorités des États membres de l’Union européenne (UE) en vue de l’assistance dans les affaires administratives et d’exécution. Elle vise à soutenir mutuellement la mise en œuvre et l’application des règlements de l’UE et du droit national dans des domaines tels que la fiscalité, les douanes, la sécurité sociale, la concurrence ou le contrôle financier. L’entraide administrative européenne est un pilier fondamental pour le bon fonctionnement du marché intérieur et la lutte contre la criminalité économique transfrontalière, la fraude fiscale et l’illégalité.
Bases juridiques de l’entraide administrative européenne
Bases du droit primaire
L’entraide administrative européenne repose sur diverses dispositions du droit primaire de l’UE. En particulier, l’article 6 du Traité sur l’Union européenne (TUE) ainsi que l’article 4 paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) se réfèrent au principe de coopération loyale (bonne foi). Les États membres sont tenus de coopérer de manière constructive dans l’accomplissement des missions de l’UE.
Dispositions de droit dérivé
La concrétisation de l’entraide administrative européenne est assurée par de nombreux actes juridiques de droit dérivé, notamment :
- Règlement (UE) n° 904/2010 concernant la coopération administrative dans le domaine de la TVA
- Directive 2011/16/UE relative à la coopération des autorités administratives dans le domaine de la fiscalité
- Règlement (UE) n° 515/97 concernant l’entraide administrative mutuelle dans le domaine douanier
- Règlement (UE) 2016/679 (Règlement général sur la protection des données, RGPD) en ce qui concerne la protection des données dans la coopération entre autorités
- Autres dispositions sectorielles, notamment dans le domaine de la sécurité sociale (Règlement (CE) n° 883/2004) ainsi que dans le cadre de la coopération judiciaire (par exemple, le mandat d’arrêt européen).
Champs d’application de l’entraide administrative européenne
Entraide administrative fiscale
Un domaine d’application essentiel est la coopération fiscale. Les autorités administratives des États membres se soutiennent notamment lors de l’identification, la fixation et le recouvrement des impôts et taxes, par exemple via :
- Échange d’informations sur des faits pertinents en matière fiscale
- Entraide pour la notification de documents et décisions
- Soutien à l’exécution des créances fiscales au sein de l’UE
La directive 2011/16/UE constitue la base de l’échange d’informations — de manière spontanée, automatique ou sur demande — entre les administrations fiscales nationales.
Entraide administrative douanière
En droit douanier, la coopération vise notamment à lutter contre les infractions douanières, la contrebande et la fraude à la TVA. Le règlement (UE) n° 515/97 organise les mesures d’entraide, parmi lesquelles :
- Transmission de données douanières pertinentes
- Enquêtes conjointes
- Soutien au recouvrement des droits d’importation et autres créances
Entraide administrative en matière de sécurité sociale
Le règlement (CE) n° 883/2004 prévoit une coopération coordonnée des organismes et autorités des États membres en matière de sécurité sociale. L’objectif est de garantir la protection sociale des personnes circulant sur le marché intérieur et d’éviter les abus.
Coopération judiciaire et formes spécifiques d’entraide administrative
L’entraide administrative européenne existe aussi en dehors du champ strictement administratif. On peut citer par exemple :
- Die coopération judiciaire en matière pénale (décisions-cadres, par exemple le mandat d’arrêt européen)
- Die Entraide pour la notification d’actes judiciaires und
- Die Recueil de preuves en matière civile et pénale en vertu des règlements (UE) 2020/1783 ou 2020/1784
Formes et procédures de l’entraide administrative européenne
Échange d’informations
L’échange d’informations est au cœur de l’entraide administrative européenne. Il s’effectue selon différentes modalités :
- Sur demande (Exchange sur demande) : Une autorité sollicite des informations de manière ciblée.
- De manière automatique (Échange automatique) : Les autorités transmettent de façon régulière et obligatoire certaines données en vertu de la loi, par exemple dans le cadre de l’imposition de revenus transfrontaliers.
- De façon spontanée (Échange spontané) : Les autorités transmettent sans requête préalable des informations susceptibles d’intéresser un autre État membre.
Entraide dans les procédures d’exécution et de notification
Afin d’assurer l’exécution des créances, le droit de l’UE prévoit une entraide pour la notification d’actes officiels et l’exécution transfrontalière de décisions administratives. Les autorités nationales se soutiennent mutuellement dans l’exécution et utilisent des instruments juridiques tels que la procédure de titre exécutoire européen.
Mise en œuvre pratique et points de contact
Pour la mise en œuvre de l’entraide administrative, des bureaux centraux de liaison (Central Liaison Offices, CLO) sont désignés. Ils assurent la transmission et la coordination des demandes, la communication et le respect des délais légaux.
Des systèmes électroniques modernes, tels que le Common Communication Network (CCN) ou le système d’échange d’informations sur le marché intérieur (IMI), facilitent la transmission normalisée et conforme à la protection des données des informations.
Protection juridique, motifs de refus et protection des données
Possibilités de recours
Les personnes physiques ou morales concernées peuvent contester juridiquement les mesures et décisions prises par les autorités. Les possibilités de recours sont déterminées par la législation nationale et, en complément, par le droit de l’Union lorsqu’il existe des dispositions pertinentes.
Motifs de refus
L’entraide administrative n’est pas absolue. Les autorités peuvent refuser leur assistance lorsque :
- La fourniture de la réponse serait incompatible avec l’ordre public de l’État requis
- La demande d’information impliquerait une charge administrative disproportionnée
- La transmission des informations contreviendrait aux règles nationales sur la protection des données ou aux prescriptions de compétence
Les conditions précises sont fixées par les différents règlements et directives de l’UE.
Protection des données et secret professionnel
Les informations échangées dans le cadre de l’entraide sont soumises à la protection des données personnelles et au secret des administrations. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et des dispositions spécifiques du droit dérivé de l’UE doivent être respectés. Les informations transmises ne peuvent être utilisées que pour la finalité prévue et dans la procédure déterminée.
Importance et objectifs de l’entraide administrative européenne
L’entraide administrative européenne est un instrument central pour renforcer l’intégrité et le bon fonctionnement du marché intérieur. Elle permet l’application cohérente du droit de l’UE et du droit national, réduit les zones d’ombre juridiques et rend plus difficile la fraude fiscale, la fraude aux prestations sociales et d’autres infractions transfrontalières. L’évolution constante des cadres juridiques et techniques favorise l’efficacité et la transparence de la coopération administrative au sein de l’Union européenne.
Questions fréquemment posées
Quelles sont les bases juridiques de l’entraide administrative européenne en matière fiscale ?
Les bases juridiques de l’entraide administrative européenne en matière fiscale reposent notamment sur la directive 2011/16/UE relative à la coopération des autorités administratives dans le domaine de la fiscalité (dite directive sur l’entraide administrative, abréviation : DAC), régulièrement modifiée et étendue (par exemple par DAC6 concernant les dispositifs transfrontaliers). Elle oblige les États membres de l’UE à échanger, via des procédures automatiques, sur demande ou de manière spontanée, des informations pertinentes pour la fiscalité. Ce dispositif est complété par le règlement UE 904/2010 sur la coopération en matière de TVA ainsi que par des réglementations sectorielles, par exemple pour les accises. Les dispositions de l’UE priment sur le droit national et garantissent ainsi une application uniforme dans toute l’Union européenne. De plus, les prescriptions pertinentes du Règlement général sur la protection des données (RGPD) doivent être respectées lors de la transmission de données à caractère personnel.
Quelles sont les conditions d’octroi de l’entraide administrative entre États membres de l’UE ?
L’entraide administrative doit en principe être accordée conformément aux actes juridiques pertinents de l’UE, à condition que l’État membre requérant puisse justifier d’un intérêt fiscal légitime et que la demande soit suffisamment précise. Il faut notamment qu’il s’agisse d’une affaire spécifique, revêtant une importance pour la législation fiscale, et que les informations nécessaires soient disponibles ou susceptibles d’être obtenues par l’administration fiscale de l’État requis. L’entraide administrative doit être refusée si elle conduit à un acte illicite selon la législation de l’État requis, ou si elle porte atteinte à des secrets professionnels, à l’ordre public ou à la confidentialité. Les directives prévoient aussi des exceptions spécifiques, par exemple lorsque l’État requis n’a pas besoin de l’information pour ses propres besoins fiscaux, ou si la charge liée à l’obtention est disproportionnée par rapport à la valeur de l’information demandée.
Dans quelle mesure les données sont-elles échangées dans le cadre de l’entraide administrative européenne ?
Dans le cadre de l’entraide administrative européenne, le volume des informations échangées varie selon la forme d’échange. L’échange automatique porte entre autres sur les revenus transfrontaliers d’intérêts et de dividendes, les informations sur comptes et actifs financiers, les rescrits fiscaux, les dispositifs fiscaux transfrontaliers (DAC6) et la propriété immobilière. L’échange spontané a lieu lorsqu’une autorité fiscale obtient dans son activité des renseignements qui peuvent avoir un intérêt pour un autre État membre. L’échange sur demande concerne des cas particuliers, tels que des enquêtes sur des infractions fiscales concrètes ou pour éclaircir des situations spécifiques. Les données transmises sont toujours soumises à des exigences strictes en matière d’exactitude, d’exhaustivité et de confidentialité.
Comment s’organise la protection juridique dans la procédure d’entraide administrative européenne ?
Des recours existent à la fois pour la personne concernée et pour les tiers dont les droits pourraient être affectés par la transmission de données. Le droit de l’UE ne prévoit cependant pas dans tous les cas un droit direct à l’opposition à la transmission. En Allemagne, par exemple, les contribuables peuvent généralement former un recours contre la transmission de leurs données et, le cas échéant, saisir les juridictions fiscales. La légalité de la mesure est souvent examinée a posteriori dans la procédure administrative, où notamment les questions de proportionnalité, de protection des données et de protection de la confiance sont appréciées. Selon l’article 25 de la directive sur l’entraide administrative, le recours contre les mesures ou décisions de l’autorité requise relève du droit procédural national.
Existe-t-il des délais à respecter dans le cadre de l’entraide administrative européenne ?
Oui, les actes juridiques de l’UE prévoient des délais concrets pour le traitement des demandes d’information et pour l’échange automatique d’informations. Selon l’article 12 de la directive 2011/16/UE, l’autorité requise doit répondre aux demandes écrites aussi rapidement que possible, et au plus tard dans un délai de six mois après réception. Si elle dispose déjà de toutes les informations, le délai est de deux mois. Les délais pour l’échange automatique diffèrent — selon DAC2 (mise en œuvre du CRS), par exemple, les institutions financières doivent transmettre les informations de l’année précédente au plus tard le 30 juin de l’année en cours. En cas de non-respect des délais, le droit de l’UE privilégie la coordination étroite et l’information continue sur les motifs de retard.
Quelle importance revêtent la confidentialité et la protection des données dans l’entraide administrative européenne ?
La confidentialité et la protection des données jouent un rôle central dans l’entraide administrative européenne. Les informations transmises ne peuvent être utilisées qu’à des fins fiscales et sont soumises aux mêmes normes de confidentialité que les données fiscales nationales. S’il est question de secrets professionnels ou commerciaux particuliers — par exemple pour les informations provenant de conseillers fiscaux ou de Rechtsanwalt — des règles d’exception s’appliquent. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique en complément ; les personnes concernées ont généralement droit à l’accès aux informations relatives à leurs données enregistrées et transmises, pour autant que l’objectif de l’entraide ne s’en trouve pas compromis. Par ailleurs, la transmission à des autorités non fiscales ou à des pays tiers est strictement encadrée.
Quelles sanctions sont encourues en cas de manquement à l’obligation d’entraide administrative ?
L’UE applique un système de contrôle et de surveillance mutuelle en matière d’entraide administrative. Si un État membre ne respecte pas, ou pas suffisamment, ses obligations de coopération, les États concernés peuvent saisir la Commission européenne. Celle-ci examine les infractions et peut, le cas échéant, engager une procédure en manquement susceptible d’aboutir à des sanctions financières — par exemple des amendes. L’objectif est de garantir l’application effective des obligations de coopération et de renforcer la confiance entre les États membres du marché unique.