Prestations en cas de décès issues d’assurances-vie : la révocation par les héritiers empêche la donation envisagée
Le tribunal régional de Frankenthal (n° 8 O 282/21, jugement du 14.11.2022) s’est récemment penché sur le cadre juridique à respecter lors d’une tentative de donation d’une prestation de décès issue d’une assurance-vie. Cette affaire illustre la complexité et la pluralité des affectations de droits issus de contrats d’assurance-vie dans une succession.
Situation de fait et objet de l’action
Dans l’affaire jugée, une souscriptrice décédée avait tenté, quelques jours avant son décès, de transférer les droits à paiement issus de son contrat d’assurance-vie au profit d’une personne proche, au moyen d’une lettre adressée à l’assureur-vie. Après l’ouverture de la succession, les héritiers de la défunte se sont opposés à cette disposition. Ils ont révoqué a posteriori la décision et exigé que le capital assuré soit versé à la succession.
Nature juridique du droit au bénéfice et transfert de la prestation d’assurance
Droit au bénéfice dans le contrat d’assurance-vie
La désignation d’un bénéficiaire dans un contrat d’assurance pour le cas de décès a des conséquences très variées en matière de droit patrimonial : un bénéficiaire désigné de manière irrévocable acquiert, au moment du sinistre, un droit propre à la prestation ; en revanche, un droit révocable peut être modifié ou supprimé par l’assuré de son vivant.
Dans la présente espèce, le droit au bénéfice en cas de décès avait bien été déterminé, mais à titre révocable. Avant sa maladie, la défunte n’avait cependant pas procédé à un transfert effectif des droits, n’essayant de le mettre en œuvre, par un nouveau document, que peu avant son décès.
Donation entre vifs – Exigences de forme et acceptation
Conformément à l’article 518, alinéa 1 du BGB, une donation entre vifs nécessite en principe un acte notarié ou, à défaut, une exécution effective (dite donation manuelle). La défunte n’avait pas recouru à une authentification notariale. La tentative de modification du droit au bénéfice en faveur de la personne gratifiée ne constitue pas, selon le tribunal, une donation valable si la prestation n’a pas été versée à cette personne au préalable. Le contrat de donation restait ainsi en suspens et sans effet.
Portée du droit de révocation des héritiers
Après le décès de la souscriptrice, les héritiers, en tant que successeurs légaux, pouvaient révoquer la donation en question. Le tribunal a souligné qu’une tentative de donation, dans laquelle la libéralité promise n’avait pas encore été exécutée et le formalisme contractuel faisait défaut, devenait caduque suite à la révocation des héritiers. Ceux-ci se sont opposés à la demande de la bénéficiaire désignée, avec pour conséquence que la prestation est revenue à la succession et n’a pas pu être versée à la personne gratifiée.
Qualification en droit civil et distinction
Différence entre droit au bénéfice et cession de créance
Le jugement souligne en particulier la distinction entre un droit au bénéfice contractuel et un transfert du droit au paiement. La modification du droit au bénéfice est exclusivement soumise aux règles du contrat d’assurance, tandis qu’un transfert de droits, notamment par cession ou donation, requiert des conditions de droit civil particulières.
Incidence sur la planification successorale et la rédaction des contrats
Notamment dans le domaine de la planification successorale, ce jugement revêt une grande importance : il montre à quel point il est crucial d’organiser soigneusement et de façon précoce les clauses bénéficiaires et de respecter les exigences formelles lors du transfert de droits portant sur des prestations d’assurance-vie, afin de minimiser d’éventuels litiges ultérieurs – notamment entre héritiers concurrents.
Conséquences pratiques
Le jugement du tribunal régional de Frankenthal apporte de la clarté sur les droits et obligations des héritiers, bénéficiaires et souscripteurs d’assurance. Il souligne que toute modification ou transfert, après le décès, des prestations d’assurance-vie en cas de décès est soumis à des conditions civiles strictes, et que, plus particulièrement, les tentatives de donation dénuées de forme requise demeurent révocables par les héritiers. Les souscripteurs devraient donc dès leur vivant veiller à une règlementation claire et juridiquement sécurisée de la clause bénéficiaire.
Indication sur la procédure en cours et développements à venir
Il s’agit d’un jugement de première instance. La situation juridique définitive pourrait évoluer en cas d’appel ou de décision de la Cour suprême. La décision doit notamment être appréciée à la lumière de la jurisprudence de la Cour fédérale de justice.
Source
Urteil des Landgerichts Frankenthal (8 O 282/21) vom 14.11.2022, berichtet u. a. unter: https://urteile.news/LG-Frankenthal-Pfalz__Verschenken-von-Todesfall-Leistung-aus-Lebensversicherung-scheitert-am-Widerruf-der-Erben~N32412.
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