Renonciation à la mention de l’auteur dans les CGV de Microstock : analyse approfondie de la décision de la cour d’appel de Francfort-sur-le-Main
La cour d’appel de Francfort-sur-le-Main s’est penchée dans son arrêt du 15.09.2022 (Az. 11 U 95/21) sur la validité d’une renonciation à la mention de l’auteur prévue dans les conditions générales (CGV) d’une plateforme Microstock. Cette affaire éclaire des questions centrales au croisement des droits de la personnalité de l’auteur et des mécanismes de marché des plateformes d’images numériques. La décision est analysée ci-après en intégrant des aspects juridiques, contractuels et entrepreneuriaux.
Obligation de mention de l’auteur et ses principes
Le droit à la mention du nom figure parmi les droits fondamentaux de la personnalité de l’auteur selon l’article 13 UrhG. Il protège le lien moral de l’auteur avec son œuvre et constitue un critère d’identification essentiel pour les créateurs tels que photographes et auteurs d’images. En principe, l’obligation de mentionner l’auteur s’applique à toute mise à disposition publique ou exploitation d’une œuvre, dans la mesure où cela est d’usage et aucune disposition contraire n’a été convenue.
Dans le cadre de l’utilisation de supports visuels via des plateformes Microstock, les droits des auteurs se trouvent régulièrement en tension avec des intérêts commerciaux et les standards des plateformes concernées, notamment en ce qui concerne la praticabilité de la mention dans des environnements médiatiques dynamiques et agrégés.
Liberté contractuelle et droit d’auteur dispositif
Le droit d’auteur prévoit – notamment dans le cadre d’un transfert de droits d’utilisation non exclusifs – une certaine souplesse. Plus précisément, le droit à la mention de l’auteur selon l’article 13 UrhG est en principe dispositif, c’est-à-dire qu’il peut être modifié ou écarté par accord contractuel. Il faut toutefois que cet accord soit conclu librement et en considération de la nature du droit de la personnalité, sans contrevenir à des dispositions impératives légales.
Dans ce contexte, la cour d’appel de Francfort s’est interrogée sur la validité d’une renonciation générale à la mention du nom dans des textes contractuels standardisés d’une plateforme Microstock, et sur le fait que cela puisse constituer une discrimination illicite des auteurs.
Spécificités des plateformes Microstock
Les plateformes Microstock sont caractérisées par un commerce de masse avec des licences majoritairement standardisées et une utilisation souvent multiple, parfois anonyme. Pour les opérateurs et utilisateurs de telles plateformes, des conditions d’utilisation simples et juridiquement sûres sont généralement prioritaires. Cela peut amener à ce que les intérêts individuels des auteurs, notamment la reconnaissance de leur paternité, passent au second plan face aux exigences pratiques.
Principaux enseignements de la cour d’appel de Francfort-sur-le-Main
Le tribunal a précisé que le contrôle des CGV prévu aux articles 307 et suivants du BGB doit s’effectuer à la lumière du droit d’auteur. Dans le cadre du contrôle de contenu, la cour a vérifié si la clause de renonciation à la mention de l’auteur équivalait à un désavantage excessif au sens de l’article 307, paragraphe 1, phrase 1 du BGB.
Appréciation selon l’obligation de bonne foi (§ 242 BGB)
La validité d’une renonciation dépend notamment du fait que celle-ci soit proportionnée par rapport aux autres stipulations contractuelles et au niveau de rémunération, sans désavantager indûment l’auteur contrairement aux exigences de bonne foi. La cour de Francfort souligne qu’en particulier pour les offres en ligne standardisées, telles que les plateformes Microstock, le poids de l’intérêt légitime à une régulation pratique et automatisable est important.
Pas d’invalidité générale de telles clauses de renonciation
Selon le tribunal, une telle pratique est en principe admissible, sauf circonstances particulières justifiant dans chaque cas une disproportion. Les spécificités du modèle économique ainsi que les attentes des utilisateurs en matière de gestion simple des licences justifient que les auteurs puissent renoncer à leur droit à la mention au profit d’une large utilisation et d’une simplification pratique. Il a été également reconnu que les preuves d’identité de l’auteur sont en principe fournies par les prestataires Microstock et que cette pratique est rendue transparente.
Équilibre des intérêts et implications à long terme
La décision illustre que les droits individuels de l’auteur peuvent être atténués par des mécanismes contractuels standardisés si le contexte contractuel et opérationnel rend ces restrictions nécessaires et proportionnées. L’aspect dispositif du droit de la personnalité de l’auteur trouve ainsi une application pragmatique dans le marché numérique des licences.
Incidences sur la rédaction contractuelle et la protection des droits
Les entreprises commercialisant ou utilisant des œuvres sous licence numérique voient leur approche de rédaction contractuelle confirmée par ce jugement. Il convient toutefois de reconnaître que seule une rédaction soignée et adaptée en détail au modèle économique sous-jacent est efficace. Des processus clairs et compréhensibles pour informer et intégrer l’auteur sont essentiels afin d’assurer un niveau légitime de transparence et de sécurité juridique pour les deux parties au contrat.
Conclusion et indications sur les besoins de conseil complémentaires
La décision de la Cour régionale supérieure de Francfort-sur-le-Main constitue un point de référence important pour les prestataires et utilisateurs des plateformes numériques de mise en relation d’œuvres et entraîne des conséquences majeures en droit contractuel relatif au droit d’auteur. Cette décision démontre également que les clauses d’exclusion forfaitaires ne sont pas nécessairement nulles et reflète la numérisation croissante des échanges juridiques dans le secteur des médias.
L’évolution constante de la jurisprudence et de la législation dans le domaine du droit d’auteur et des canaux de distribution numériques rend nécessaire un contrôle régulier des modèles contractuels existants. Pour des questions spécifiques concernant la rédaction des CGV, la gestion des droits à la personnalité ou le traitement des contrats de licence relatifs aux contenus numériques, un accompagnement juridique approfondi est recommandé. Les intéressés trouveront des informations complémentaires ainsi que la possibilité d’une consultation juridique personnalisée en droit d’auteur chez MTR Legal.